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nourriture, vêtements et autres choses semblables ; elles doivent être méritées (ou gagnées). »

Évidemment vous voulez dire : la nourriture, les vêtements, etc., doivent être fabriqués, produits. Mais c’est précisément ce « doivent être mérités » qui est impayable, monsieur Schulze, et vous caractérise ! Vous voulez tenir des discours économiques aux ouvriers, vous voulez leur démontrer comment les conditions économiques existantes découlent, nécessairement et régulièrement, de la pensée ; vous voulez leur expliquer la nature du travail par laquelle vous commencez vos discours. Le gain ou profit économique, dont vous parlez, est pourtant un phénomène déjà extrêmement compliqué. Ce phénomène suppose une société produisant sur la base développée de la valeur d’échange ; il suppose la propriété des capitaux, la concurrence, les entrepreneurs privés, le travail salarié. Toutes ces institutions particulières, historiques, doivent exister pour que le profit ou gain[1] économique ait lieu.

Au Pérou[2], par exemple, monsieur Schulze, dans cet empire des Incas qui jouissait d’une haute civilisation, on travaillait et on produisait prodigieusement, sans pourtant rien gagner (profiter). Du temps de l’esclavage, dans l’antiquité on ne gagnait

  1. Gagner, profiter, mériter, n’ont qu’une seule acception en allemand : verdienen. (Note du trad.)
  2. Voir, sur la forme du travail au Pérou : History of the conquest of Peru, by William Prescott. London, 1857, tom. I, chap. II, IV et V. Ainsi on ignorait toute espèce de monnaie, quoique la fabrication et l’art y fleurissent. (Le même, p. 147 – they – had no Knowledge of money.) (Note du trad.)
    Voir aussi la Notice sur le Communisme dans l’empire des Incas, par Ch. Wiener (Actes de la Société philologique, t. IV, n° 6, 1874).