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d’airain en nous avertissant. Ce qui est aujourd’hui une question de renaissance nationale, deviendra même bientôt une question d’existence nationale. Nous perdrons même celle-ci, si nous ne conquérons pas celle-là.

Serait-ce là la destinée de l’esprit allemand ? Serions-nous réellement un peuple destiné, selon de lugubres prophéties, à donner des penseurs isolés aux nations et puis à nous fondre en eux, et devenir les Juifs des peuples d’Europe ?

Mais, loin de moi ces pensées mélancoliques ! Déjà j’entends dans le lointain les sourds bruits de la marche des innombrables bataillons ouvriers ! Sauvez-vous, prolétaires, débarrassez-vous des liens d’un état de production qui vous a convertis en marchandise ; — sauvez — sauvez aussi l’esprit allemand d’une ruine intellectuelle imminente, sauvez en même temps la nation du démembrement !

Déjà on voit briller dans les airs l’éclair du suffrage universel direct ! Son jour est proche[1]. Depuis que son nom a été prononcé, il est devenu nécessité ! Armez-vous alors de cet éclair, ô prolétaires, et sauvez-vous et sauvez l’Allemagne !

Et vous qui comme moi êtes bourgeois de naissance, et qui avez sucé de nos penseurs et de nos poètes le lait de la liberté, si vous voulez vous élever au-dessus des conditions d’existence d’une classe qui a apporté au peuple la misère, à l’esprit allemand la décadence, à la nation le démembrement et l’impuissance, — suivez-moi et entonnez mon : « Alea jacta est. »

Voilà notre bannière et votre honneur !

  1. Il était proche, en effet ; il fut donné par Bismark en 1866, pendant il faisait partie des préparatifs de guerre contre l’Autriche et la vieille confédération allemande.