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Ce qui nous unissait et nous soutenait mutuellement est tombé en ruine depuis des siècles, et il faut un retour énergique de pensée pour reconquérir cette existence nationale ! Schelling l’a prévu aussi : « En Allemagne, puisqu’un lien extérieur est impuissant à le faire, ce n’est qu’un lien intérieur, une religion dominante ou une philosophie qui peut provoquer l’ancien caractère national, caractère dont l’unité est déchue et qui se perd toujours de plus en plus[1].

C’est pourquoi il est impossible que ce soit jamais la bourgeoisie qui fraye une voie à une existence nationale. Car précisément cette bourgeoisie c’est l’individualisme même, ou plutôt, pour donner une dénomination plus juste de ce qui est sous-entendu par là, elle représente la tendance particulariste qui a ruiné notre existence comme nation, et dont les petites villes et les petits États ne sont que l’expression la plus conséquente et la plus pédante. Une profonde communion intérieure existe entre les deux ; tous les deux ne sont que l’expressions intérieure et extérieure de la même pensée, et c’est là le secret qui fait que, malgré tout notre ardent désir, il nous est impossible de reconquérir sous le règne de la bourgeoisie notre renaissance nationale comme Allemands. Petits États et bourgeoisie ne seront jamais vaincus qu’ensemble[2].

Ainsi cette victoire de classe est devenue pour nous aussi une condition de notre existence nationale.

Le temps avance toujours ! Il frappe de son doigt

  1. Cours sur la méthode des études académiques, p. 260.
  2. L’existence nationale a été conquise par le fer et le feu avec le concours de la bourgeoisie allemande, qui n’en est pas plus intelligente ni plus véritablement progressive. L’unité nationale n’a fait aucun miracle. (Note du trad.)