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règne intellectuel de notre plèbe journaliste ; l’opinion publique représente l’autre.

Toute résistance paraît d’autant plus impossible, que cette stupide tyrannie s’exerce au nom de la liberté et de la moralité contre un peuple indignement trompé, et au nom duquel on distribue des couronnes de fausse popularité !

S’opposer fièrement et impérieusement à cette grande prostituée de Babylone et briser ses faux autels — est l’acte viril et honorable que nous devons accomplir !

Le « Laisse-les tournoyer et soulever la boue » de Goethe, serait peut-être facile, si on pouvait, de nos jours, comme du temps de Goethe, se renfermer dans le perfectionnement de sa propre individualité et faire abstraction de l’état de la nation !

Mais plus que partout ailleurs, c’est surtout en Allemagne que cette lutte contre la bourgeoisie et son expression intellectuelle est nécessaire, urgente et impérieuse !

Le procédé de pourriture de la bourgeoisie européenne suit partout un cours rapide.

En France, la bourgeoisie a abdiqué sa souveraineté ; elle s’est laissé violemment abattre par un usurpateur. Par un procédé lent, mais graduel et constant, elle a noyé en Angleterre sa souveraineté dans le charlatanisme d’une clique sans égale.

Mais ces deux nations s’appuient encore sur l’héritage d’un grand passé historique, la France sur son épée, l’Angleterre sur son or ; elles ont encore de quoi vivre et de quoi se nourrir.

En Allemagne, la bourgeoisie, favorisée par les petites villes et les petits États, a pris les allures les plus repoussantes, et enfin notre existence nationale est encore à conquérir, elle est encore dans l’avenir.