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quoi l’opinion publique, dit-il[1], mérite autant de respect que de mépris ; de mépris, à cause de sa conscience et de sa manifestation concrète, de respect à cause de sa base essentielle qui, plus ou moins troublée, n’est qu’apparente. »

C’est-à-dire, en traduisant du hégélien dans un langage plus distinct : « La base proprement dite de l’opinion publique, c’est toujours le juste. Mais elle est l’égarement constant de l’esprit qui ne se comprend pas lui-même et qui, pour cette raison, dit toujours le contraire de ce qu’elle veut dire. »

« Comme elle n’a en elle — continue Hegel, en expliquant lui-même — ni la faculté de distinguer, ni la capacité d’élever le côté essentiel à un savoir déterminé, il en résulte que la première condition formelle pour atteindre le grand et le raisonnable dans la réalité comme dans la science, c’est d’être indépendant d’elle. »

Mais nos penseurs — et ils sont unanimement d’accord sur ce point — ont beau crier ce qu’ils veulent, Zabel[2] et Bernstein[3] ne sont pas de cet avis, et l’indépendance de l’opinion publique, cette première condition, selon Hegel, de tout ce qui est grand et raisonnable dans la réalité et dans la science, est aux yeux de notre bourgeoisie le plus grand crime civique devant lequel tous les autres crimes ne sont que des jeux et n’ont qu’une importance secondaire.

Hegel conclut : « Cette chose — le grand et raisonnable — peut être sûre que dans la suite elle finira par plaire au public, qui la reconnaîtra et en fera un de ses préjugés. »

  1. Philosophie du droit, p. 403.
  2. Le rédacteur en chef du Journal national.
  3. Le rédacteur en chef du Journal du Peuple.