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tement, cette production d’autrui étant fondée généralement sur un simple excédant, et cet excédant étant formé parle procès naturel, les emprunts d’argent se firent pendant longtemps presque exclusivement dans des buts de consommation.

C’étaient donc les besoins et les embarras personnels qui faisaient faire ces emprunts, lors même qu’il s’agirait, par exemple, des embarras d’un édile romain, qui veut faire tapisser de pourpre, et à ses frais, tous les gradins du cirque pour les spectacles publics qu’il va donner au peuple et qui n’a pas toute la somme nécessaire dans sa caisse.

Un prêt fait dans le simple but de consommation ne rendra nullement l’emprunteur plus riche qu’il n’était ; vouloir exploiter à son profit le besoin et rembarras personnel d’un homme est déshonorant en tout cas ; l’antiquité et l’Église l’ont justement senti.

Il est vrai que dans les temps modernes on fait aussi des emprunts dans des buts de consommation. Mais les prêts productifs, les prêts faits par les emprunteurs dans le but de placement des entreprises productives, prédominent de beaucoup. Ce genre de prêt provient aussi d’un embarras, mais de l’embarras unique de s’enrichir et le prêteur en conséquence.se décide à partager cet embarras avec l’emprunteur à l’amiable. En d’autres termes : le prêt destine à la production est, économiquement parlant la part au produit de l’entreprise[1], et l’op-

  1. Une coutume qui tire son origine de l’interdiction mosaïque de l’intérêt en usage chez les juifs orthodoxes russes et dont parle Bonaventure Mayer (les Juifs de notre temps 1842, p. 13), fait ressortir d’une manière très originale ce caractère intrinsèque du prêt. Le créancier, en faisant le prêt, stipule sur la moitié du gain et les parties contractantes la fixent provisoirement à une somme plus ou moins présumable.