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temps et qui prédomine encore à l’époque dont nous parlons.

Vous concevez bien maintenant pourquoi l’intérêt du capital a eu tant de difficultés à se frayer une voie dans les conceptions des anciens peuples, pourquoi il était considéré dans le sens antique comme honteux, inconvenant et indigne d’un homme libre (inhonestum).

Quand Aristote, Cicéron, Sénèque, les Pères de l’Église et le droit canonique considèrent l’intérêt du capital comme déshonorant et synonyme de l'usure, quand au temps de la République romaine l’intérêt était interdit par la loi, quand Caton fait l’éloge du statut des ancêtres qui portait la punition du voleur au double et celle du receveur d’intérêts au quadruple[1], quand l’Église catholique refusait aux receveurs d’intérêts la communion, le droit de tester et la sépulture, et quand, au contraire, Jérémie Bentham et avec lui toute l’économie libérale ne voient dans l'usure que le droit naturel le plus sacré, le plus inaliénable de l’homme, ces deux antithèses s’expliquent de la manière la plus simple. Le juriste, disent les juristes romains, ne prend en considération que id quod plerumque fit, ce qui arrive le plus souvent. Ceci peut s’appliquer encore plus à ces conceptions morales des peuples, qui résultent de leurs conditions économiques, qu’ils ne soient que dans « ce qui arrive le plus souvent ».

Dans l’antiquité, comme chez nous, on empruntait aussi. Mais comme alors, pendant longtemps, le motif et l’occasion de placer son prêt d’argent dans une production d’ autrui manquaient complè- Cato, de re rust. praef. ; majores ita in legibus posuerunt, furem dupli condemnari, feneratorem quadrupli.

  1. Cato, de re rust. praef. ; majores ita in legibus posuerunt, furem dupli condemnari, feneratorem quadrupli.