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du travailleur lui-même. L’esclave dont il se sert pour exécuter le travail n’est pour lui qu’un autre levier et le levier un autre esclave.

De ce manque de démarcation et de distinction il résulte qu’il y avait des maîtres (Herren) mais non des capitalistes, des valeurs et des richesses, mais non des capitaux.

Vous pouvez l’observer plus loin en détail, si vous examinez activement les traits caractéristiques de l’économie antique. L’ancien propriétaire des biens-fonds et d’esclaves fait produire avant tout, et par excellence les valeurs d’usage nécessaires dans sa propre maison. Il ne vend que les produits excédants et ce n’est que par exception et dans la classe inférieure[1] des citoyens qu’on voit faire travailler les esclaves pour vendre leurs produits. Car cette production d’autrui est, elle-même, le résultat naturel de l’excédant de la propre production de cet autre producteur, c’est pourquoi elle n’a pas encore besoin du système de crédit moderne, qui ne peut se former que dans une société produisant exclusivement des valeurs d’échange.

Alors même que les occasions pour des placements de ce genre commencent déjà à se présenter, la manière de voir, les mœurs et les coutumes du peuple s’y opposent ; à leur tour elles ne sont que la conséquence de l’état économique que nous venons de décrire, état qui a dominé pendant si long-

  1. Ainsi Plutarque nous raconte que le rhéteurr Isocrate fut tourné en ridicule par les acteurs comiques d’Aristophane et de Stratos, parce que son père Théodore faisait fabriquer des flûtes par ses esclaves. (Plut., vita decem orat, t. IV, p. 307, éd. Wyll) : οθεν εις τους αθλους κεκφωμωδηται υπο Αριστοφα ους και Στρατιδος, ou, comme le dit Lessing, les acteurs comiques lui donnent à entendre les flûtes de son père.