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et renverse la tête de la colonne. Il n’en faut pas davantage pour arrêter cet ennemi irrésolu. Dès lors le sort de la journée est fixé, et Napoléon pourra attendre la nuit pour exécuter sa retraite ; il se rapproche du petit pont pour veiller à ses préparatifs et ordonner les dispositions devenues nécessaires.

« La journée s’avançait, et il en était temps, car nos munitions étaient épuisées. L’artillerie et l’infanterie allaient se trouver sans cartouches ; la communication était interrompue avec les parcs de réserve ; la plus grande partie de nos pièces étaient endommagées, les attelages tués depuis longtemps. On avait été obligé de ralentir le feu ; l’ennemi, au contraire, continuait le sien avec sa terrible artillerie qui nous écrasait. Il renouvelait constamment ses attaques contre les deux villages. Dans l’une de ces attaques, vers le soir, Lannes, qui jusque-là était demeuré constamment au plus fort du danger, descendant de cheval pour prendre quelque repos, est frappé d’un boulet qui lui emporte les deux jambes. L’armée va perdre un de ses premiers chefs, dont les talents s’étaient si prodigieusement, développés ; la France un de ses appuis les plus solides ; l’Empereur, un ami zélé. Lannes fut transporté dans l’île de Lobau. Napoléon alla à sa rencontre près le petit pont. Leur entrevue fut des plus touchantes, leurs embrassements des plus tendres.