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Le général Bertrand a obéi à l’ordre du roi.

« Général Gourgaud, placez sur le cercueil le chapeau de l’Empereur. »

Le général Gourgaud s’est avancé et a placé le chapeau à côté de l’épéc.

Le roi s’est retiré, a regagné sa place, et a salué en passant la Chambre des Députés, rangée à la gauche de l’autel.

Le cercueil avait été placé aussitôt sous le splendide catafalque élevé au milieu du dôme, et autour duquel étaient venus se placer M. le duc de Reggio, maréchal, grand-chancelier de la Légion-d’Honneur, M. le comte Molitor, maréchal de France, M. l’amiral Roussin, et M. le lieutenant-général comte Bertrand.

Lorsque le service funèbre commença, une émotion immense, universelle, dominait tous les cœurs.

Auprès du catafalque, on remarquait les membres de la commission de Sainte-Hélène : M. le lieutenant-général Gourgaud, M. le baron de Las-Cases et M. le comte de Rohan-Chabot, commissaire du roi. M. Marchand, ancien valet de chambre de l’Empereur, était en habit de garde national. Auprès du général Gourgaud, on apercevait M. le général Despans-Cubières, en uniforme de colonel d’infanterie légère du temps de l’Empire.

Le service funèbre dura deux heures. Il commença par le De Profundis, après lequel le magnifique Requiem de Mozart, cette lamentation suprême, qui convient à toutes les infortunes, chant de deuil et de triomphe, où l’expérience et le désespoir se mêlent d’une façon sacrée, fut chanté et exécuté par les plus grands artistes de la France, car eux aussi ils avaient voulu payer leur tribut de reconnaissance et de respect au grand Empereur.

A trois heures et demie, le clergé a jeté de l’eau bénite sur le corps. L’archevêque et le roi ont accompli ce dernier devoir. La cérémonie était terminée. La foule s’est écoulée dans un pieux recueillement.

Pendant huit jours, du 16 au 24 décembre, l’église des Invalides, qui avait conservé ses riches tentures, ses bougies, ses lampes brûlantes, l’odeur et la fumée de l’encens, resta ouverte au public. Plus de deux cent mille personnes se pressaient tous les jours aux abords de l’Hôtel.

Le 6 février, un samedi à midi, le cercueil de Napoléon, qui, depuis la cérémonie funèbre du 13 décembre, était resté déposé sous le catafalque impérial, a été transporté dans une chapelle ardente, disposée à droite de l’autel, sous l’un des petits dômes de l’église des Invalides.