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avaient pris connaissance de deux codicilles qui devaient être ouverts immédiatement après la mort de l’Empereur ; l’un était relatif aux gratifications qu’il accordait sur sa cassette à toutes les personnes de sa maison et aux aumônes qu’il faisait distribuer aux pauvres de Sainte-Hélène ; l’autre contenait des instructions sur ses funérailles. Il était ainsi conçu

Avril. le 16, 1821. Longwood.
Ceci est un codicille de mon testament.

1° Je désire que mes cendres reposent sur les bords de la Seine, au milieu de ce peuple français que j’ai tant aimé.

2° Je lègue aux comtes Bertrand, Montholon, et Marchand, l’argent, bijoux, argenterie, porcelaine, meubles, livres, armes, et généralement tout ce qui m’appartient dans Sainte-Hélène.

Ce codicille, tout entier écrit de ma main, est signé et scellé de mes armes.

(Sceau.)
Napoléon.

Les exécuteurs testamentaires notifièrent cette pièce au gouverneur, qui se récria sur cette prétention, et déclara qu’elle était inadmissible ; qu’il s’y opposait, que le cadavre devait rester dans l’île ; que l’Angleterre y tenait, qu’elle ne s’en dessaisirait pas. On chercha à désarmer sa haine, on essaya les représentations, les prières, tout fut inutile ; le corps de Napoléon devait rester à Sainte-Hélène, il y resterait. Les exécuteurs testamentaires invoquaient l’humanité, le respect qu’on doit aux morts ; mais le droit s’évanouit devant la force ; on ne put que recourir aux ressources des faibles, protester et obéir. On le fit, on choisit un lieu dont l’Empereur, qui pourtant ne l’avait vu qu’une fois, parlait toujours avec satisfaction, celui où jaillissait cette eau bienfaisante qui avait si souvent adouci les maux qu’il endurait. Hudson y consentit ; il avait depuis 1820 l’ordre de retenir les dépouilles de Bonaparte, mais il lui était indifférent qu'elles fussent dans tel ou tel endroit de l’île ; et montant aussitôt à cheval, il accourut à la tête de son état-major, des membres de son conseil, du général Coffin, du contre-amiral Lambert, du marquis de Montchenu, et de ce qu’il y avait de médecins, de chirurgiens dans l’île. Il voulait s’assurer par lui-même que Napoléon était bien mort, que le corps qu’il voyait était bien celui de l’Empereur. Il demandait aussi qu’on procédât à l’ouverture du cadavre, mais je lui observai qu’il y avait trop peu de temps qu’il était