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peu de clairet. Le pouls varie de quatre-vingt-dix-sept à quatre-vingt-dix-huit pulsations par minute.

L’emplâtre que j’avais appliqué à la région épigastrique produisait peu d’effet. Je priai Napoléon de le laisser remplacer par un vésicatoire. « Vous le voulez ! Eh bien, soit, faites ; ce n’est pas que j’en attende le moindre effet, mais je touche à ma fin ; je veux que vous jugiez par ma résignation de la reconnaissance que je vous porte. Allez, appliquez-le. » Je l’appliquai. Il fut vingt et une heures avant d’agir.

Napoléon boit beaucoup d’eau fraîche. « Si la destinée voulait que je me rétablisse, j’élèverais un monument dans le lieu où elle jaillit ; je couronnerais la fontaine en mémoire du soulagement qu’elle m’a donné. Si je meurs, que l’on proscrive mon cadavre comme on a proscrit ma personne, que l’on me refuse un peu de terre, je souhaite qu’on m’inhume auprès de mes ancêtres, dans la cathédrale d’Ajaccio en Corse. S’il ne m’est pas permis de reposer où je naquis, eh bien ! qu’on m’ensevelisse là où coule cette eau si douce et si pure. »

30. — L’Empereur a dormi pendant la nuit.

Le malade n’a presque plus de fièvre, il est assez tranquille ; le pouls, faible et déprimé un peu, varie de quatre-vingt-quatre à quatre-vingt-onze pulsations par minute.

La fièvre augmente, ce n’est que vers le soir qu’elle perd un peu de son intensité.

La fièvre devient plus forte. Agitation générale. Anxiété. Froid glacial universel. De moment en moment le pouls cesse de se faire sentir ; il se relève un peu vers onze heures et demie du soir.

1er mai. — Le pouls est petit, fréquent, et donne jusqu’à cent pulsations par minute.

L’Empereur s’endort à l’approche du jour ; mais il se réveille bientôt, et se trouve dans une situation terrible. Peu à peu cependant les symptômes s’affaiblissent, l’oppression se calme, et la matinée est assez tranquille.

2. — Napoléon est plus tranquille, et les symptômes alarmants ont un peu diminué.

La fièvre redouble. Délire. L’Empereur ne parle que de la France, de son fils, de ses compagnons d’armes. « Steingel ! Desaix ! Masséna ! Ah ! la victoire se décide. Allez ! courez ! pressez la charge !… ils sont à nous. » J’écoutais, je suivais les progrès de cette pénible agonie. J’étais accablé, déchiré, lorsque tout à coup Napoléon recueille ses forces, saute à terre et veut absolument descendre se promener dans le jar-