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le priai de ne pas s’occuper de soins aussi tristes ; il reprit : « Seriez-vous bien aise d’entrer au service de Marie-Louise, de lui être attaché en qualité de chirurgien, comme vous l’êtes auprès de ma personne ? — Si je devais perdre Votre Majesté, ce serait toute mon ambition. — Elle est ma femme, la première princesse de l’Europe : c’est la seule que vous puissiez désormais servir. — Je n’en servirai jamais d’autre. — Fort bien ; je vais écrire à l’impératrice. J’espère que vous serez content de ce que je ferai pour vous. »

La fièvre a duré pendant toute la journée. Napoléon a éprouvé une soif ardente, un froid glacial aux pieds.

Il prend sur le soir un peu d’aliments, et, quoique extrêmement faible, il écrit près de trois heures. Il arrête, cachète ses codicilles, et se remet au lit.

27. — La nuit a été fort agitée. L’Empereur n’a pu goûter un instant de repos. Il dort un peu vers le point du jour.

Le malade prend un peu de soupe.

Il essaye d’écrire ; mais les forces sont éteintes, il ne peut tracer qu’une partie du huitième codicille de son testament. Il se promet d’achever le lendemain ; l’atonie est profonde, générale. La mort l’a déjà saisi, il va descendre au tombeau.

Napoléon prend quelque peu d’aliments et le garde.

Napoléon se détermine enfin à abandonner sa chambre mal aérée, petite et incommode pour s’établir dans le salon. Nous nous disposons à le transporter. « Non, dit-il, quand je serai mort ; pour le moment il suffit que vous me souteniez. »

28. — L’Empereur a passé une très-mauvaise nuit.

L’Empereur m’adresse des paroles pleines de bonté ; puis, avec un calme parfait, une tranquillité inaltérable, il me donne les instructions suivantes : « Après ma mort, qui ne peut être éloignée, je veux que vous fassiez l’ouverture de mon cadavre ; je veux aussi, j’exige que vous me promettiez qu’aucun médecin anglais ne portera la main sur moi. Si pourtant vous aviez indispensablement besoin de quelqu’un, le docteur Arnott est le seul qu’il vous soit permis d’employer. Je souhaite encore que vous preniez mon cœur, que vous le mettiez dans l’esprit-de-vin, et que vous le portiez à Parme à ma chère Marie-Louise. Vous lui direz que je l’ai tendrement aimée, que je n’ai jamais cessé de l’aimer ; vous lui raconterez tout ce que vous avez vu, tout ce qui se rapporte à ma situation et à ma mort. Je vous recommande surtout de bien examiner mon estomac, d’en faire un rapport précis, détaillé, que vous