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tie de l’expédition dont nous menacions l’Angleterre. « Je le voudrais, me dit-il ; mais si je le demande, les avocats me refuseront. — Je m’en charge, lui répliquai-je. — Eh bien ! si vous jetez un brûlot sur la Tamise, mettez Kléber dedans, vous verrez ce qu’il sait faire. »

31. — Les symptômes fâcheux qui avaient commencé à se manifester hier ont duré jusqu’à ce matin. Au point du jour, une sueur abondante a eu lieu, et la fièvre a beaucoup perdu de sa violence.

1er avril. — Sueurs abondantes ; le malade est assez tranquille le reste de la nuit.

L’Empereur m’avait permis d’appeler le chirurgien du 20e en consultation. Il allait plus mal ; je lui demandai qu’il voulût bien me permettre de lui présenter ce praticien ; il y consentit. En conséquence j’introduisis le docteur Arnott auprès de lui. Sa chambre n’était point éclairée ; il se plaisait dans cette obscurité profonde ; il ne voulut pas même qu’on apportât de la lumière, pendant que le médecin anglais était là. Il lui permit de lui tâter le pouls, d’explorer l’état du bas-ventre dont il se plaignait beaucoup, lui demanda ce qu’il pensait de sa maladie, et le congédia en lui témoignant le désir de le revoir le lendemain matin à neuf heures.

L’officier d’ordonnance chargé de constater la présence de Napoléon, obligé de faire chaque jour son rapport au gouverneur et d’attester qu’il l’avait vu, n’avait pu remplir cette partie de sa mission, l’Empereur gardant le lit depuis le 17 mars. Hudson s’imagina qu’il était trahi. Il vint à Longwood avec sa suite, fit le tour de l’habitation, n’aperçut rien, menaça l’officier des peines les plus sévères, s’il ne s’assurait de la présence du général Bonaparte.

L’officier était fort embarrassé ; car d’un côté il connaissait les intentions de l’Empereur, et de l’autre il n’espérait pas qu’il sortît jamais de l’habitation. Il s’adressa au général Montholon et à Marchand, qui, touchés de sa position, lui ménagèrent les moyens de sortir de peine et de calmer les fureurs d’Hudson. Il fallait éviter que Napoléon aperçût l’agent du gouverneur, qu’il ne se doutât de sa présence ; la chose n’était pas facile : ils y réussirent cependant.

La chambre à coucher de l’Empereur se trouvait au niveau du sol, et les fenêtres étaient assez basses pour qu’on vît tout ce qui s’y passait, tandis que le général Montholon et moi nous nous tenions à côté du malade, Marchand entrouvrit légèrement les rideaux comme s’il eût voulu regarder dans le jardin : l’officier, qui était posté en dehors de la fenêtre, vit et put faire son rapport ; mais le gouverneur ne fut pas satisfait,