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leur envoyant de l’argent ; ils nous fournirent des provisions et de três-bon vin. Les moines du Saint-Bernard sont un ordre infiniment respectable ; c’est une de ces institutions que les gouvernements ne doivent jamais détruire, mais qu’ils doivent protéger, encourager par tous les moyens en leur pouvoir.

« J’arrivai en Italie ; je me trouvai immédiatement sur les derrières de l’ennemi, et maître de ses magasins et de ses équipages ; j’avais obtenu de grands avantages ; une fois armé à Stradella, on pouvait regarder la campagne comme finie. Si Gênes avait tenu, je restais ferme dans mon camp retranché de Stradella, l’une des plus fortes positions de l’Italie. J’avais sur le Pô cinq ponts qui rendaient faciles mes communications avec les divisions Chabran, Lapoype, Turreau et Moncey. Je pouvais les appeler à mon secours si j’étais attaqué, ou les aider si l’ennemi les inquiétait. M. de Mélas était obligé, pour rétablir ses communications, de venir m’offrir la bataille sur un terrain que j’avais choisi moi-même. C’était une plaine coupée de bois, très-favorable à mon infanterie, mais où sa cavalerie ne pouvait rien faire. J’avais toutes mes troupes à ma disposition.

« La prise de Gênes changea entièrement la face des choses ; dès lors l’ennemi eut une retraite assurée et des positions très-avantageuses. Il pouvait se retirer à Gênes et s’y défendre en tirant ses provisions de la mer, ou garnir de batteries les hauteurs de Babbio, et entrer, malgré tous mes efforts, dans Plaisance, reprendre Mantoue et Peschiera, se mettre en communication avec l’Autriche, et me réduire à faire une guerre ordinaire. Tout mon plan de campagne était déjoué. Un moyen vint s’offrir à mon esprit, je le risquai. Je partis de Milan et fis trente-deux lieues en sept heures. Je commandai la bataille de Montebello ; nous la gagnâmes, et celle victoire fut cause que l’ennemi évacua Gênes. Toutefois cette victoire affaiblit mon armée. Je fus obligé de prendre dans les divisions qui se tenaient de l’autre côté du Pô, pour fermer l’entrée des États de Milan. Elles n’étaient pas, a la vérité, à plus de trois lieues de moi ; mais il leur fallait trois jours pour me joindre en ce qu’elles étaient obligées de passer par Plaisance ou par Stradella. J’avais encore contre moi une autre circonstance : le pays entre Montebello et Alexandrie n’est qu’une immense plaine qui était très-favorable à la cavalerie allemande. Je résolus cependant de tenter une escarmouche ; j’étais dans une situation extraordinaire, et je risquais peu pour gagner beaucoup. Battu, je me retirais dans mon camp retranché à Stradella, je passais le Pô sur