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de lui, elle disait, entre autres choses : « Il a un sourire si prévenant, si enchanteur !  !… »

L’Empereur était presque toujours maître de laisser telle ou telle impression.

Napoléon a reparlé avec intérêt de ce qu’il eût fait s’il eût pu opérer sa descente en Angleterre. Voici quelques développements nouveaux.

« Ma pensée était de laisser l’Angleterre se constituer avec liberté en république. Alors je ne redoutais plus les merveilles de votre esprit national. Je n’aurais créé cette république que d’après vos vœux, je n’aurais levé qu’une contribution très-modérée, seulement pour couvrir mes dépenses ; votre peuple eût été pour moi, parce que je l’eusse repecté.

« Il aurait vu que, plébéien moi-même, j’étais l’homme du peuple, tout au peuple. J’aimais à élever un homme de mérite à la première place ; je n’ai jamais recherché les titres de noblesse, mais la probité, le talent. Je ne connais pas de peuple, même les Prussiens, plus indignement traité que le vôtre. Vous regardez ces gens comme un ramas d’ilotes, et il y a là la meilleure veine du sang anglais, celui qui gagne les batailles et soutient l’industrie. Vous n’aimez, vous ne respectez que l’aristocratie. Tout Anglais des classes inférieures, quand il ne peut pas prouver dans une presse qu’il est gentleman, est enlevé, embarqué comme matelot. Vos ministres ont eu l’impudeur de déclamer contre le système de ma conscription. Ce système ne fait pas de distinction de rang : il humilierait votre orgueil. Comment ! un fils de gentleman pourrait être contraint de se battre pour son pays comme un fils de marchand, de laboureur ! Mais qui forme donc votre nation ? Ce ne sont point les lords, ni les gros prélats, ni les hommes d’Église, ni les gentlemen, ni l’oligarchie. Oh ! un jour l’Angleterre verra de terribles orages.

« La conscription n’écrase pas une classe, comme votre pressgang ; c’est un moyen équitable, rationnel, de lever les armées : il partage les obligations de la nation. Mes armées étaient admirablement composées. La conscription est devenue une institution nationale. »

Sur cette objection que Londres se serait incendiée plutôt que de se soumettre à ses armes, il a dit : « Chaque Anglais fût resté chez lui. Qui eût voulu provoquer le courroux de mes soldats sans intérêt, sans motifs ? Qui donc eût brûlé sa maison, livré ses propriétés au pillage, sa femme et ses filles au viol, et ses fils à la mort, pour conserver dans