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crampe me prit pendant que je nageais, et après avoir fait quelques efforts inutiles, je coulai au fond de l’eau. J’éprouvai de vives angoisses, et je perdis connaissance ; mais le courant de la rivière me rejeta sur le bord, où je restai étendu je ne sais combien de temps. Je fus enfin rappelé à la vie par mes camarades, qui me reconnurent par hasard ; m’ayant vu disparaître au milieu de la rivière, ils m’avaient cru perdu. « 

L’Fmpereur, en parcourant des journaux, a vu dans un article, que Castlereagh venait de faire des acquisitions considérables dans le nord de l’Irlande. « Ah ! le voilà, ma fortune paye ces propriétés ; c’est une portion de l’argent que La Bouillerie a porté au comte d’Artois après mon abdication. Castlereagh, Hardenberg, Metternich, Talleyrand, se sont partagé vingt-cinq millions sur quarante. »

Il a bientôt laissé là ce sujet, puis il a parlé des talents nécessaires au général. « L’esprit d’un bon général devrait ressembler, quant à la clarté, au verre du télescope qui a passé sur la meule, et ne présente point de tableau à l’œil. Parmi les généraux modernes qui nous ont précédés, le plus grand, à mon avis, c’est Turenne. Le maréchal de Saxe n’était que général, mais il n’avait pas d’esprit ; Luxembourg en avait beaucoup ; le grand Frédéric extrêmement, et il voyait promptement et avec justesse. Marlborough n’était pas simplement un grand général, mais un homme d’infiniment d’esprit. Wellington, jugé par les dépêches que j’ai lues, par ses actes et sa conduite dans l’affaire de Ney, qu’il aurait dû défendre, la capitulation de Paris à la main, est un homme sans esprit, sans générosité, sans foi. Madame de Staël et Benjamin Constant disaient derrière lui, dans les salons de Paris, qu’il n’avait pas deux idées. »

2t. — On a ressenti à Longwood trois secousses de tremblement de terre : toute la maison en a été ébranlée avec un bruit sourd et prolongé. Nul accident grave n’a été la suite de cet événement.

22. — Quand j’entrai, Napoléon était occupé à faire des calculs. Il leva les yeux, me regarda, et dit en souriant : « Eh bien ! docteur, tremblement de terre, hier soir. » Cet événement a été le sujet de quelques entretiens. Napoléon avait cru d’abord que c’était l’explosion d’un navire, mais la seconde secousse lui fit reconnaître que c’était un tremblement de terre. Il dura de seize à dix-huit secondes : c’est mon opinion ; mais, contrairement, Napoléon pensait qu’il n’avait pas duré plus de douze secondes. Il m’a dit qu’à Ferrare, il avait déjà été témoin d’un tremblement de terre.