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ticulièrement les Français de se garantir du froid et de l’humidité, n’ont point changé son opinion. Il m’a répondu que lady Lowe n’avait pas de feu dans sa chambre. »

L’Empereur s’est entretenu aujourd’hui avec l’amiral de la structure et de la capacité ordinaire des vaisseaux anglais. L’amiral lui a démontré qu’un vaisseau de 74 peut prendre environ quatre-vingts tonnes d’eau de plus, au moyen de ses réservoirs.

« Si j’avais su cela, en 1806, dit Napoléon, j’aurais envoyé trente mille hommes dans l’Inde ; j’étais conduit par divers calculs, pour expédier un corps de cette importance ; seulement je trouvais toujours que mes troupes manqueraient d’eau pendant un mois. »

Lui ayant demandé quelques renseignements sur son plan, il me dit : « Le port de Brest renfermait de quarante à cinquante voiles, vaisseaux de ligne ou frégates ; j’aurais placé les trente mille soldats sur ces quarante vaisseaux, à raison de huit cents par vaisseau ; quatre cents matelots les eussent accompagnés ; j’aurais proportionné à ce nombre les batiments de transport ; dix vieux vaisseaux de ligne de peu de valeur auraient transporté le reste du contingent, les soldats de cavalerie démontés, les artilleurs avec un complément d’approvisionnement ; j’aurais fait conduire cette escadre à l’île de France, en grande diligence. Là, elle aurait refait ses provisions, repris de l’eau, descendu ses malades à terre, enlevé des troupes fraîches pour remplacer les malades, augmenté le contingent de trois mille noirs organisés en bataillons coloniaux. De là, cette escadre se serait rendue dans l’Inde. Le débarquement se serait effectué le plus près possible des Marattes, vos ennemis naturels, auxquels je me serais réuni, pour vous faire une guerre opiniâtre ; je recevais souvent de l’Inde des nouvelles plus récentes que vous n’en aviez en Angleterre. Le roi de Perse était bien disposé pour nous ; ce plan ne put recevoir son exécution par la raison que je donnais tout à l’heure, que j’avais reconnu, d’après mes calculs, que les bâtiments seraient privés d’eau pendant un mois. Si j’avais su qu’on pût établir des réservoirs, j’aurais certainement consommé l’entreprise. »

Napoléon calcula le nombre des tonnes d’eau qu’on aurait eues de plus au moyen de ces réservoirs, et trouva que les bâtiments se seraient trouvés suffisamment approvisionnés. Pour une puissance secondaire sur la mer, cette invention serait d’une grande importance, puisqu’elle dispenserait d’entrer dans les rades pour y faire de l’eau. »

Je causai avec Napoléon de Toussaint Louverture : « Vous savez, lui