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que de songer à recouvrer ses pertes. Enfin toute l’Allemagne, et surtout le nord de ce pays, était remplie d’associations secrètes dirigées contre la France. La masse démocratique, conduite par des publicistes et des professeurs exaltés, rêvait la régénération politique, besoin du siècle. Les intérêts aristocratiques se joignaient ardemment à ceux-là, sous l’apparence patriotique de la libération allemande, ne calculant au fond que le retour de leurs privilèges. Tous étaient unis sous le nom généralement connu de Tugendbund (Association de la vertu).

« Ainsi la cinquième coalition se présentait tout à la fois guerrière et conspiratrice.

« Cette fois, continue l’auteur, les armées autrichiennes devaient attaquer de front et marcher droit sur nos frontières, non comme en 1799, 1805 ou 1814, en cherchant les endroits faibles, mais comme gens au contraire qui ne craignaient pas les parties les plus fortes, étant assurés d’y trouver de l’appui. En même temps on devait détacher au loin des corps autrichiens, dans la Prusse méridionale, sur la Vistule, dans la Saxe, dans la Bavière, dans le Tyrol et le Vorarlberg, appelant partout à des insurrections qu’on avait préparées, et auxquelles devaient prendre part surtout les anciens sujets prussiens plus exaspérés que tous les autres, excités en dessous main par leur ancien gouvernement.

« Le corps de l’archiduc Ferdinand devait arriver jusqu’à Thorn, amenant cent pièces de canon dont la Prusse avait besoin avant de se déclarer. La coalition comptait que les souverains de la confédération du Rhin se joindraient à elle, soit de gré, soit de force, à mesure que les armées autrichiennes s’avanceraient sur leur territoire. Des promesses et des menaces leur avaient été déjà adressées ; et, s’il faut juger de cette époque par celles qui ont suivi, les espérances des coalisés n’étaient pas entièrement dénuées de fondement.

« L’Angleterre devait opérer conjointement avec l’Autriche, et faire en même temps de fortes diversions. Un armement, le plus considérable qu’elle eût jamais rassemblé, était dans ses ports de la Manche ; et pouvait jeter une armée de plus de quarante mille hommes, soit dans le nord de l’Allemagne, soit dans la Hollande ou dans la Belgique, qu’on supposait mécontentes. Cette armée, marchant au-devant de la grande armée autrichienne, pouvait se rejoindre à elle sur le Rhin, au travers des pays insurgés. Des troubles éclatèrent effectivement dans le nord de l’Allemagne, en Hollande et dans l’ancien électorat de Trèves, pays le plus favorablement situé pour une telle opération. Des bouches du Weser et des côtes de la Hollande aux frontières de la Bohême, il