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mais du Premier Consul : Fox m’écrivit plusieurs fois à ce sujet. Il nia, comme vous, que les ministres anglais eussent été instruits d’un projet d’assassinat ; il ne s’en défendit que lorsqu’il connut mes rai sons de le croire. L’empereur d’Allemagne ne fit pas comme Pitt : lorsque je fus maître de Vienne, il défendit fermement, par des motifs religieux, tout attentat de cette nature comme contraire à la morale, à la religion, comme criminel. »

J’ai dit à Napoléon qu’on avait cru remarquer, en Allemagne, en 1813, que Bernadotte était très-peu attaché à la ligue contre la France.

« Il paraissait jouer deux rôles. C’est qu’il est Gascon et fanfaron. Je pense aussi qu’il serait revenu à moi, si la victoire eût rejoint mes drapeaux. Il aurait agi en cela comme les Saxons, les Wurtembergeois, les Bavarois.

« Après la bataille de Dresde, l’empereur d’Autriche m’écrivit, m’appela son cher fils, et me conjura, par l’amour de sa fille, de ne pas profiter de ma victoire et de me réconcilier avec lui.

« À Leipsick, si les Saxons n’eussent pas déserté avec l’artillerie, je gagnais la bataille. La position des alliés eut été bien différente. »

16. — J’ai vu Napoléon dans sa chambre à coucher ; il s’est plaint du mal de tête, et a pris un bain de pieds. Il était un peu triste, mais ensuite il est devenu assez enjoué. Il a parlé de l’Égypte, et m’a fait beaucoup de questions : entre autres, il m’a demandé si un vaisseau à trois ponts pourrait, sans être débarrassé de son lest, entrer dans le port d’Alexandrie. J’ai répondu que je croyais que oui ; et que, dans tous les cas, il était très-facile d’alléger un vaisseau.

Napoléon me dit qu’il avait expédié du Caire un officier nommé Julien, chargé d’ordres formels pour Brueys, d’après lesquels celui-ci devait entrer dans le port d’Alexandrie ; mais Julien avait été tué en route par les Arabes. « J’ai donné son nom à un fort que j’ai bâti à Rosette.

« Je comprends peu que Brueys se soit décidé à jeter l’ancre, sans avoir préalablement fortifié l’île de vingt-cinq ou trente pièces de canon, et avant d’avoir appelé près de lui un vaisseau vénitien de 64, et plusieurs frégates stationnées dans le port d’Alexandrie.

« Je m’étais entretenu avec lui, quelques semaines auparavant, à bord de l’Orient, de la possibilité d’une attaque des Anglais. Il m’avait expliqué lui-même qu’une flotte à l’ancre ne devait pas engager une action, ou du moins qu’une flotte qui agirait comme cela serait aisé-