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« Il eût fait en neuf jours descendre l’armée du Caire, et vous aurait écrasés. Si je m’y étais trouvé, je l’aurais fait descendre du Caire en sept jours, et j’aurais été sur la côte avant votre débarquement ; c’est ce que j’avais déjà fait quand les Turcs débarquèrent avec Sidney Smith. »

17. — Aujourd’hui Napoléon s’est promené autour de l’habitation. Le capitaine Poppleton a écrit au gouverneur pour lui faire savoir que les chevaux de Longwood manquent de foin depuis trois jours, qu’ils n’ont plus de litière ; que ce que l’on envoyait à la place du foin était de l’herbe fraîchement coupée. Quelles misères !

18. — « Si mes plus grands ennemis, disait aujourd hui Napoléon, savaient les traitements dont je suis l’objet sur ce rocher, ils auraient compassion de moi. Des millions d’hommes pleureront sur la fin de ma vie en Europe, quand on y saura ce que j’ai souffert ici. »

20. — Ayant parlé à l’Empereur de ce qui avait été raconté d’une scène que Ney lui aurait faite, à Fontainebleau, en 1814, lorsqu’il parut hésiter à signer son abdication : « On a fait un conte que les témoins ont dû démentir. Ney ne s’est jamais permis de paroles impérieuses et violentes en ma présente ; il était très-soumis. Je sais pourtant qu’il se livrait quelquefois, lorsque je n’étais plus présent, à des accès d’irritation et d’amertume.

« Lavalette n’a point connu le projet de mon retour de l’île d’Elbe, ni de ce qui s’y passait. Madame Lavalette était de la famille Beauharnais. Elle était très-belle femme ; mon frère Louis en devint amoureux et voulait l’épouser ; afin d’y mettre empêchement, je la mariai à Lavalette.

« Lavalette a rempli pour moi des fonctions secrètes et très-honorables. Voici ces fonctions : douze personnes distinguées d’opinions différentes, jacobins, royalistes, républicains, impériaux, ayant 1.000 francs par mois, lui apportaient chaque mois des rapports sur l’état de l’opinion publique relativement aux actes du gouvernement, à l’état général des choses en France. Lavalette recevait ces rapports cachetés, et me les apportait. Après les avoir lus, je les brûlais. Mes ministres, mes amis ignoraient que je reçusse ces communications si importantes pour moi. »

20. — « Monsieur le docteur, les brochures que je viens de lire m’apprennent que j’ai, dans un âge très-tendre, empoisonné une fille, que j’en ai fait périr d’autres par plaisir ; que j’ai assassiné Desaix, Kléber, le duc d’Abrantès, et beaucoup d’autres encore ; que la première armée d’Italie, où je commandai en chef, n’était composée que de ga-