Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/647

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faussetés matérielles, les calomnies et les ignorances surabondantes qui gâtent ces pages. « J’y ai lu, nous dit-il, un tableau presque exact de la bataille de Waterloo. L’auteur est certainement un officier qui était auprès de moi pendant l’affaire. Oui, je gagnais la bataille sans l’incapacité de Grouchy. — Grouchy vous aurait-il trahi ? lui demandai-je. — Non, reprit-il vivement ; mais il a manqué d’énergie. C’est de la part de quelques officiers de son état-major qu’il y a eu trahison. Je crois que plusieurs de ceux que je lui ai envoyés sont passés à l’ennemi. Pensez-vous, ajoutai-je, que le maréchal Soult ait bien servi votre cause dans les Cent-Jours, avec loyauté, avec énergie ? « — Oui, et il n’avait point trahi les Bourbons, comme on l’a écrit. Il n’a pas connu mon débarquement ; quand il l’a su, il a pris cette tentative pour l’acte d’un fou. Soult n’entend rien à la puissance des idées.

« Je n’ai pas approuvé la conduite de Ney. Que ne faisait-il comme Oudinot, qui demanda à ses troupes s’il pouvait compter sur leur fidélité ; sur quoi elles lui dirent unanimement : « Nous ne nous battrons pas contre l’Empereur. » Il ne put empêcher ses troupes ni les paysans de se ralliera moi ; mais Ney alla trop loin. Mouton-Duvernet a été une malheureuse victime des circonstances.

« Je n’ai que des éloges à donner à mes soldats de Waterloo : leur conduite a été admirable. »

L’Empereur m’a parlé de la détresse présente, de l’industrie, du commerce de l’Angleterre et des opinions politiques de Castlereagh.

« C’est le résultat de son incapacité ; sa fatuité et son ignorance des intérêts vitaux de votre beau pays sont les causes de ce malaise qui ne fera que s’étendre. Les malheurs dont je fus assailli ont donné un tel ascendant à l’Angleterre, qu’on lui eût laissé faire presque tout ce qu’elle eût voulu ; d’ailleurs ses sacrifices dans sa longue lutte pour les gouvernements de l’Europe constituaient un droit inattaquable. L’Angleterre a perdu une occasion de réparer les plaies de son intérieur, que les événements futurs de l’Europe ne lui rendront point. Elle pouvait se débarrasser de tout ce qui la gênait et se délivrer de la dette immense qui pèse sur elle. Mais l’orgueil de Castlereagh a voulu autre chose : au lieu de songer à fortifier votre puissance, il s’est borné à faire la cour aux rois, aux empereurs, qui flattaient sa vanité, en l’honorant de leur attention ; ils avaient vu sa faiblesse et savaient que, par ces égards, ils lui feraient négliger les intérêts de la Grande-Bretagne. Il a été complétement leur dupe.