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« Les cochers de la capitale offrirent un dîner ou mien, quelques jours après ; on y but largement, on y porta plusieurs fois la santé de César. Tout à coup un cocher dit haut : « César, je crois a présent avoir vu les hommes qui ont essayé d’assassiner le Premier Consul l’autre jour. Dans telle rue et dans telle maison, j’ai vu une charrette comme un tonneau à eau, sortir d’un passage ; comme je n’en avais jamais vu dans celle endroit, cela me frappa : je reconnaîtrais certainement le cheval et les hommes.

« Le ministre de la police interrogea cet homme, qui conduisit les agents de l’autorité à la maison dont il avait parlé. En effet, on y trouva des traces significatives, même la preuve de la préparation du crime, des instruments, un baril qui avait contenu la poudre, etc.

« Les déclarations du propriétaire de la maison firent connaître que, depuis peu de temps, des hommes, qu’il soupçonnait se livrer à la contrebande, étaient venus se loger chez lui, que le jour du crime, il les avait vus sortir avec une charrette, qu’il avait supposée remplie de marchandises prohibées ; que l’un de ces hommes paraissait appartenir à un rang plus élevé que les autres. De nouvelles recherches furent faites : enfin Saint-Régent et Carbon furent arrêtés, jugés, condamnés, exécutés. »

L’empereur poursuivit : A Schœnbrunn j’échappai encore à un péril imminent. C’était après la reddition de Vienne. Je passais mes troupes en revue ; un jeune homme s’approcha très-près de moi. Berthier le repoussa en lui disant que s’il avait à me parler, il fallait qu’il choisît un autre moment. « Adressez-vous au général Rapp, lui dit-il en allemand, il vous répondra, » Le jeune homme, se tournant vers celui-ci, lui dit qu’il désirait me remettre un Mémoire. Rapp lui fit la même réponse que Berthier, qu’il ne pouvait pas m’aborder dans ce moment ; le jeune homme parut insister, mais en gardant le silence ; il faisait semblant en même temps de chercher un placet dans sa poche. Rapp, impatienté, le repoussa vivement, mais il revint ; son insistance alarma le général Rapp qui avait déjà été frappé par sa physionomie sombre et ses yeux ardents, et qui le suivait depuis quelques minutes ; il le fit arrêter pour le faire examiner après la revue. Les gardes, eu l’entraînant, remarquant qu’il tenait une main cachée dans sa poitrine, le fouillèrent et trouvèrent sous son gilet un long couteau. Interrogé tout de suite sur l’usage qu’il comptait en faire, il répondit : Tuer l’Empereur, et il releva la tête avec fierté. On vint me parler de cet incident ; après la revue je me fis amener