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de ne point me rendre à ces rois que j’avais vaincus tant de fois : j’ai été bien puni de cette fausse honte et de mon estime pour vous. »

M. Baxter et moi nous sommes allés voir M. de Las Cases et son fils. Nous avons rédigé ensuite un rapport sur la santé du jeune homme ; nous l’avons adressé au gouverneur. Son affection est une dispepsie. Le climat de l’Europe peut seul le rétablir.

26. — Le gouverneur veut bien faire reculer la limite des promenades de Napoléon : il aura, comme du temps de l’amiral, la liherté de parler à ceux qu’il rencontrera sur son chemin.

Je suis allé voir Napoléon pour causer de ces changements. « Kn effet, mon seul désir, m’a-t-il dit, est que tout soit remis sur le même pied que pendant le gouvernement de l’amiral. Le gouverneur aurait raison de refuser la permission de venir chez nous aux personnes qui éveilleraient ses soupçons, mais qu’il y laisse venir les habitants honorables de l’île, les voyageurs connus. » Il ajouta : « Si je rencontrais un homme dont la conversation me fit plaisir, tel que l’amiral, je désirerais pouvoir l’entretenir une seconde fois, l’inviter à dîner, comme j’en avais la coutume avant l’arrivée du gouverneur. Qu’on m’en laisse la liberté. Je demande aussi que la position de mes compagnons soit définie ; par là ils échapperont aux insultes des agents du gouverneur et à sa volonté : voilà les bases d’un accommodement. Mais le gouverneur n’a ni justice ni élévation ; il traite un homme comme le cheval auquel on donne une botte de foin et un toit pour l’abriter. Sa politique est celle des petits princes de l’Italie : écrire et promettre beaucoup, offrir l’apparence de la liberté, et en refuser le moindre avantage. »

27. — Le gouverneur, auquel j’ai présenté les bases d’une réconciliation avec l’Empereur, accepterait s’il consentait à ne recevoir les adieux de Las Cases qu’en présence d’un officier anglais.

28. — Napoléon est malade ; toute la nuit, il a éprouvé un mal de tête très-violent. Je l’ai vu à trois heures du soir, il était encore couché, et n’avait reçu personne. Je ne lui ai rapporté qu’une partie de ce que le gouverneur m’avait dit au sujet d’un arrangement, que lui, Napoléon, confierait volontiers à l’arbitrage de l’amiral ; mais j’ai craint de l’irriter en lui disant la condition qu’il y met : l’accompagnement de M. Las Cases par un officier anglais. J’étais encore dans sa chambre lorsque Marchand vint lui apprendre que l’eau manquait, et qu’on ne pouvait lui donner le bain qu’il avait demandé. L’Empereur ne témoigna pas de mécontentement ; il me dit qu’il ne pourrait pas recevoir