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ment de la révolution, Louis XVI avait eu devant les yeux l’exemple de Charles Ier. « Charles, après avoir lutté corps à corps avec le parlement, avait fini par succomber et perdre la tête. Sa fin tragique empêcha Louis, en plusieurs occasions, de s’opposer aux efforts des révolutionnaires. Lorsqu’on osa le mettre en jugement, il devait dire simplement que, d’après la constitution, il ne pouvait rien faire de mal, etque sa personne était sacrée ; la reine aurait dû faire de même. Cette protestation ne leur aurait pas sauvé la vie, mais ils seraient morts l’un et l’autre avec encore plus de dignité. Robespierre était d’avis qu’on fit secrètement mourir le roi. « A quoi servent ces vaines formalités, disait-il, lorsque vous allez le condamner à mort, innocent ou coupable ? » La reine Antoinette marcha à l’échafaud avec une espèce de joie céleste : ce devait être pour elle un grand soulagement de quitter une vie qu’on empoisonnait d’amertume avec une aussi exécrable barbarie. Si j’eusse eu quatre ou cinq ans de plus, j’aurais été guillotiné avec tant d’autres. »

Napoléon prenait son bain. La conversation a eu pour objet la position actuelle critique de l’Angleterre : « L’incurie, a-t-il dit, de Castlereagh a fait cette position périlleuse pour le pays. Il ne gouverne pas l’Angleterre, il ne fait que suivre les intrigues du continent ; il ne songe point aux intérêts vitaux de la patrie. Que de choses pouvaient être faites pour vous, dans ces derniers temps, qui ne l’ont pas été par suite de cette incapacité ! Vos ministres devaient dire aux gouvernements espagnol et portugais, après la fin de la guerre : « Nous seuls avons sauvé votre pays, et l’avons empêché de devenir une province de France ; nous avons, dans plusieurs campagnes, versé notre sang en servant votre cause ; nous avons dépensé plusieurs millions, et, par conséquent, notre pays est surchargé de dettes contractées pour vous, et que nous devons payer. Vous avez les moyens de vous acquitter ; notre situation exige que nous liquidions nos dettes ; nous vous demandons, en conséquence, que la nation anglaise soit seule autorisée à faire, pendant vingt ans, le commerce de l’Amérique du Sud, et que nos vaisseaux jouissent des priviléges des vaisseaux espagnols dans vos ports. Nous nous rembourserons de cette manière, sans ruiner vos finances. » Y aurait-il eu contre cette déclaration l’ombre d’une objection de la part des gouvernements rétablis ? c’était la justice que vous demandiez, vous les maîtres, les sauveurs, et aucune des puissances coalisées n’eût osé vous rien disputer. C’est vous seuls qui avez empêché l’Espagne et le Portugal de périr. Qui