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dès que nous nous fûmes rendus maîtres d’Alexandrie en quelques heures, je lui donnai l’ordre de sonder le passage pour la flotte. Il parvint à faire entrer dans le port un vaisseau vénitien de soixante-quatre, et un autre de cinquante canons ; je suppose que vous les y avez vus. On disait que les gros vaisseaux de ligne ne pourraient pas y entrer. Barré m’assura qu’il y avait assez d’eau pour cela, dans une partie du canal ; Brueys affirmait qu’il n’y en avait pas assez pour les vaisseaux de quatre-vingts canons. Barré persista dans son dire. Pendant ce temps, je m’étais avancé dans le pays à la poursuite des Mamelucks. Toute communication entre l’armée et la ville fut interceptée par les Bédouins, qui prirent les courriers ou les tuèrent tous. Mes ordres n’arrivèrent pas, sans quoi j’eusse obligé Brueys d’entrer ; car j’avais le commandement de la flotte aussi bien que de l’armée. Pendant ce temps, Nelson arriva et battit Brueys et sa flotte ; ce qui m’apprit ensuite que Barré avait raison, car vous avez fait entrer le Tigre et le Canopus. »

J’ai eu société pour dîner chez moi, hier. Ce matin, l’Empereur m’a fait quelques questions sur notre réunion. Je le lui ai dit. « Vous vous êtes grisés ? — Non. — Bah ! bah ! — Nous n’étions pas dans cet état, mais le capitaine Ross y est toujours. Cette réponse le fit sourire et il ajouta : « Ross est un bon enfant, et l’équipage du vaisseau est très-heureux de l’avoir pour capitaine. »

Un vaisseau est arrivé d’Angleterre. J’en ai prévenu Napoléon ; il jouait aux quilles dans le jardin avec ses généraux. Je lui appris que, conformément aux désirs de Hudson, le parlement avait adopté un bill qui conférait aux ministres le pouvoir de le retenir à Sainte-Hélêne. « Ce bill a-t-il été combattu ? Fort peu, lui dis-je. Brougham et Burdett n’ont-ils pas parlé ? Je dis que je n’avais pas lu les journaux. »

Dans un autre entretien du 7 juin. Napoléon a parlé du cérémonial relatif au mariage. En Angleterre, lorsqu’un protestant et un catholique se marient, la cérémonie est en premier lieu célébrée par un ministre protestant, et ensuite par un prêtre de l’Église romaine. « Il y a là un tort, répondit-il ; le mariage est un contrat purement civil ; et lorsque les parties ont paru devant un magistrat, et qu’en présence de témoins elles ont pris un engagement, elles doivent être considérées comme mari et femme. C’est ce que j’ai fait en France. S’ils veulent, ils peuvent faire recommencer cette cérémonie par un prêtre. Ma maxime constante était que les cérémonies religieuses ne devaient jamais être au-dessus des lois. J’ai voulu aussi que les mariages cou-