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saires. L’Empereur les a refusés dans leur capacité politique, mais n’a montré aucune objection à les voir comme simples individus. Il a fait faire à sir Hudson Lowe, par M. de Montholon, une réponse officielle, foudroyante de logique et sublime de pensées. J’espère qu’avec le temps elle vous parviendra, en dépit de tous les efforts de sir Hudson Lowe pour la tenir secrète. Il serait difficile de vous peindre son inquiétude à cet égard ; elle m’a déjà valu des reproches personnels.

« Monseigneur, l’Empereur parle bien souvent de vous tous. Il a des portraits de la plupart autour de lui, dans sa chambre. Son petit réduit est devenu un sanctuaire de famille. Il a reçu votre lettre, celle de Madame, du cardinal Fesch et de la princesse Pauline. Il lui en a coûté beaucoup d’imaginer que vos expressions de tendresse avaient subi l’inspection de toute la filière des agents qui nous surveillent. Il désire qu’on ne lui écrive plus à ce prix. Il a voulu, de son côté, écrire aux siens par l’intermédiaire du Prince-Régent ; mais on lui a dit ici qu’on n’expédierait pas sa lettre, si elle n’était ouverte, ou qu’on en briserait le sceau. Il s’est abstenu, et nous, nous avons souri de voir que l’outrage qu’on prétendait lui faire se perdait dans celui dont on menaçait le Prince-Régent.

« Pour nous, Monseigneur, qui sommes autour de l’Empereur, je vous ai beaucoup parlé de nos peines ; mais nous n’en connaissons plus à côté du bonheur de pouvoir lui témoigner notre dévouement. Nous ne souffrons qu’en lui. Nos privations, nos tourments personnels deviennent et sont pour nous les mérites et la joie des martyrs. Nous vivons à jamais dans les cœurs généreux. Des milliers envient notre situation sans doute ! Nous en sommes fiers, elle nous rend heureux.

« Daignez agréer l’hommage, etc. — Signé, le comte de Las Cases. »


Mes vives anxiétés – Lettre de l’Empereur, vrai bonheur.


Lundi 16.

Plus de vingt jours s’étaient écoulés, et rien n’annonçait encore aucun changement à notre affreuse situation. La santé de mon fils continuait à présenter les symptômes les plus alarmants. La mienne dépérissait visiblement par mes peines et mes anxiétés. Notre réclusion était si sévère, que nous n’avions point encore appris un seul mot de Longwood ; j’ignorais tout à fait comment y avait été interprétée ma malheureuse affaire ; j’avais appris seulement que l’Empereur n’était pas sorti de sa chambre durant ces quinze ou dix-huit jours qu’il y avait presque toujours mangé seul. Qu’on juge tout ce que ces circonstances