Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/496

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’un portefeuille où reposaient des objets que je n’avais pas osé toucher depuis que j’étais loin de l’Europe, il a fallu les ouvrir. Ce devait être pour moi la journée des émotions : leur vue a remué dans mon cœur de vieux souvenirs que mon courage y tenait comprimés depuis de douloureuses séparations. J’en ai été vivement ému ; je suis sorti rapidement de la chambre. Mon fils, demeuré présent, m’a dit que le gouverneur lui-même n’a pas été sans se montrer sensible à ce mouvement.


Ma translation à Balcombe’s cottage.


Jeudi 28 au samedi 30.

Aujourd’hui 28 nous avons été tirés de notre misérable cahute, et transférés, à une petite lieue de là, dans une espèce de chaumière de plaisance appartenant à M. Balcombe, notre hôte de Briars. La demeure était petite, mais du moins très supportable, et située en face de Longwood, à assez peu de distance ; nous n’en étions séparés que par plusieurs lignes de précipices et de sommités très escarpées. Nous étions gardés par un détachement du 66e ; un grand nombre de sentinelles veillaient sur nous et défendaient nos approches. Un officier y était à nos ordres, nous dit obligeamment sir Hudson Lowe, et pour notre commodité, nous assurait-il. Toute communication était sévèrement interceptée ; nous demeurions sous l’interdit le plus absolu. Un chemin circulait sur la crête de notre bassin ; le général Gourgaud, escorté d’un officier anglais, vint le parcourir : il nous fut aisé de distinguer ses efforts pour se rapprocher de nous autant que cela lui était possible, et ce fut avec un sentiment de joie et de tendresse que nous reçûmes et rendîmes de loin les saluts et les démonstrations que nous adressait notre compagnon. La bonne et excellente madame Bertrand nous envoya de nouveau des oranges ; il ne nous fût pas permis de lui écrire un mot de remerciements, il fallut nous borner à confier toute notre reconnaissance à des poignées de roses cueillies dans notre prison, et que nous lui envoyâmes.

Sir Hudson Lowe, dès le lendemain, vint nous visiter dans notre nouvelle demeure. Il voulut savoir comment j’avais été couché ; je le conduisis à une pièce voisine, et lui fis voir un matelas par terre : notre nourriture avait été à l’avenant. « Vous l’apprenez, lui dis-je, parce que vous l’avez demandé ; j’y attache peu de prix. » Alors il s’est violemment fâché contre ceux qu’il avait chargés de nous installer, et nous a envoyé nos repas de sa cuisine de Plantation-House, bien qu’à deux