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Lowe, qu’on nous a assuré se réveiller parfois en sursaut pour rêver à de nouveaux moyens de sûreté. « Assurément, disait l’Empereur, cela tient de la folie ; eh ! que ne dort-il à son aise ! que ne nous laisse-t-il tranquilles ! Comment n’a-t-il pas l’esprit de juger que la force des localités, ici, est bien supérieure encore à toutes ses terreurs paniques ? – Sire, a repris quelqu’un, c’est qu’il se souvient de Capri, où avec deux mille hommes, trente pièces de canon et perché dans les nues, il fut enlevé par douze cents Français que conduisait le brave Lamarque, lequel ne put pénétrer jusqu’à lui qu’à l’aide d’une triple escalade. – Eh bien, a observé l’Empereur, sir Lowe se montre meilleur geôlier que bon général. »

La santé de mon fils, depuis quelque temps, me donnait les plus vives inquiétudes. Ses souffrances étaient tournées en palpitations violentes qui amenaient des évanouissements ; elles le forçaient de se relever la nuit pour marcher ou prendre quelque position particulière.

Le docteur O’Méara craignait d’entrevoir tous les symptômes d’un anévrisme et un péril imminent. J’ai fait prier le docteur militaire en chef Baxter de venir se joindre au docteur O’Méara, pour une consultation à fond. Heureusement le résultat a pu me tranquilliser : il était loin de présenter rien d’aussi alarmant.

Dans les causeries du jour, l’Empereur est revenu encore à madame de Staël, sur laquelle il n’a rien dit de neuf. Seulement il a parlé cette fois de nouvelles lettres vues par la police, et dont madame Récamier et un prince de Prusse faisaient tous les frais.

« Ces lettres, disait l’Empereur, contenaient la preuve non équivoque de tout l’empire des charmes de madame Récamier, et du haut prix auquel le prince les élevait, car elles ne renfermaient rien moins que des offres ou des promesses de mariage de sa part. »

Et voici le nœud de cette affaire, que j’ai appris plus tard. La belle madame Récamier, dont la bonne réputation a eu le rare privilège de traverser sans injure nos temps difficiles, se trouvait auprès de madame de Staël, à laquelle elle s’était héroïquement dévouée, quand un des princes de Prusse, fait prisonnier à Eylau, et se rendant en Italie par la permission de Napoléon, descendit au château de Coppet, avec l’intention de s’y reposer seulement quelques heures ; mais il y fut retenu tout l’été par les charmes qu’il y rencontra. Celle qui s’y était exilée auprès de son amie, et le jeune prince, se regardant tous deux comme des victimes de Napoléon, une haine commune commença peut-être leur intérêt mutuel. Touché d’une vive passion, le prince, malgré les