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demander ; nous pouvions même obtenir de nous absenter pour plusieurs jours ; nous y étions si protégés contre toutes vexations, que le général sous l’autorité duquel nous vivions ayant des reproches à se faire à notre égard, fut mandé à Paris par l’ordre spécial de Napoléon ; et, dans la crainte du châtiment, il se suicida. Or il arriva qu’une fois on nous consigna dans nos logements, ce qui devait durer, disait-on, deux ou trois jours : c’est que l’Empereur devait passer, et que l’on n’avait pas cru qu’il fût bien de le laisser entourer d’un si grand nombre de prisonniers ennemis. Outre que nous avions grande curiosité de le voir, cet ordre nous blessa extrêmement. Se défierait-on, disions-nous, de braves et loyaux marins ? Aurait-on la pensée de les confondre avec des assassins ? Nous en étions là quand, le jour même de l’arrivée de Napoléon, on vint nous annoncer, à notre grande surprise, que nous redevenions libres, et qu’il avait fort désapprouvé la mesure prise à notre égard. Nous nous précipitâmes donc sur son passage, et il nous traversa sans escorte dans une sécurité parfaite, et même avec une sorte de bienveillance marquée, ce qui nous gagna