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l’état de la guerre maritime et continentale oblige de tenir sur pied, la population a continué de s’accroître, que notre industrie a fait de nouveaux progrès, que jamais les terres n’ont été mieux cultivées, les manufactures plus florissantes ; qu’à aucune époque de notre histoire la richesse n’a été plus répandue dans les diverses classes de la société.

« Le simple cultivateur aujourd’hui connaît les jouissances qui lui furent jusqu’à présent étrangères ; il achète au plus haut prix les terres qui sont à sa convenance ; ses vêtements sont meilleurs, sa nourriture est plus abondante et plus substantielle ; il reconstruit ses maisons plus commodes et plus solides.

« Les nouveaux procédés dans l’agriculture, dans l’industrie, dans les arts utiles, ne sont plus repoussés, par cela même qu’ils sont nouveaux. Partout on tente des essais, et ce que l’expérience démontre préférable est utilement substitué aux anciennes routines. Les prairies artificielles se sont multipliées ; le système des jachères s’abandonne ; des assolements mieux entendus, de nouvelles cultures augmentent le produit de nos terres. Les bestiaux se multiplient, les races s’améliorent ; de simples laboureurs ont acquis les moyens de se procurer à de hauts prix des béliers de race espagnole, les étalons de nos meilleures espèces de chevaux : éclairés sur leurs vrais intérêts, ils n’hésitent pas à faire ces utiles achats. Ainsi les besoins de nos manufactures, de notre agriculture et de nos armées sont chaque jour mieux assurés.

« Ce degré de prospérité est dû aux lois libérales qui régissent ce grand empire, à la suppression de la féodalité, des dîmes, des mainmortes, des ordres monastiques ; suppression qui a constitué ou affranchi ce grand nombre de propriétés particulières, aujourd’hui le patrimoine libre d’une multitude de familles jadis prolétaires ; il est dû à l’égalité des partages, à la clarté et à la simplification des lois sur la propriété et sur les hypothèques, à la promptitude avec laquelle sont jugés les procès dont le nombre décroît chaque jour. C’est à ces mêmes causes, et à l’influence de la vaccine, que l’on doit attribuer l’accroissement de la population. Et pourquoi ne dirions-nous pas que la conscription elle-même, qui, chaque année, fait passer sous nos drapeaux l’élite de notre jeunesse, a contribué à cet accroissement en multipliant le nombre des mariages, en les favorisant, parce qu’ils fixent pour toujours le sort du jeune Français qui pour une première fois a obéi à la loi ? »