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regarde ; chacun son métier. » Et tous les assistants de rire et d’applaudir à son opinion.

Un autre jour, au faubourg Saint-Antoine, entouré d’une immense multitude, parmi laquelle il se montrait très bonhomme, un des assistants osa l’interpeller. « Est-il vrai, comme on dit, que les affaires vont si mal ? – Mais, répondit l’Empereur, je ne peux pas dire qu’elles aillent trop bien. – Mais comment cela finira-t-il donc ? – Ma foi, Dieu le sait. – Mais comment ? est-ce que les ennemis pourraient entrer en France ? – Cela pourrait bien être, et venir même jusqu’ici, si l’on ne m’aide pas : je n’ai pas un million de bras ; je ne puis pas faire tout à moi seul. – Mais nous vous soutiendrons, dirent un grand nombre de voix. – Alors je saurai bien battre encore l’ennemi, et conserver toute notre gloire. – Mais que faut-il donc que nous fassions ? – Vous enrôler et vous battre. – Nous le ferions bien, dit un autre, mais nous voudrions y mettre quelques conditions ! – Eh bien ! lesquelles ? dites. – Nous voudrions ne pas passer la frontière. – Vous ne la passerez pas. – Nous voudrions, dit un troisième, être de la garde. – Eh bien ! va pour la garde. » Et les acclamations de retentir. Des registres furent ouverts sur-le-champ, et plus de 2.000 individus s’enrôlèrent dans la journée. En les quittant, Napoléon rega-