Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/318

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

essentiels qu’on avait négligé de lui envoyer de Londres, et quelque peu de vin soigné, dont il avait besoin comme remède, « quoique pour le vin, a-t-il continué, ceux qui ne nous aiment pas en Europe ne manqueraient pas de dire que nous ne songeons ici qu’à boire et à manger. » Et il a répété à ce sujet qu’il n’éprouvait nul embarras de s’adresser à son fils Eugène, qui lui devait tout, qui tenait de lui son état et toutes ses richesses, que ce serait lui faire injure que de douter un instant de son empressement, ayant d’ailleurs à exercer sur lui des reprises pour 10 à 12.000.000 peut-être.

À déjeuner, il a fait venir le Polonais qui doit bientôt nous quitter. Plus tard, il a voulu se mettre au travail, mais il se sentait fort assoupi, et s’est endormi à plusieurs reprises. Il a gagné sa chambre pour se livrer tout à fait au sommeil, me donnant rendez-vous à une heure de là pour travailler à l’anglais ; mais il a continué à être dans le même état d’assoupissement, qu’il n’a interrompu que par un bain très prolongé, suivant sa coutume, et, comme il les prend très chauds, on a lieu de s’étonner qu’ils ne lui soient pas très nuisibles.

Il a peu diné, se plaignait de vieillir beaucoup, de dormir mal et irrégulièrement. Il a causé assez longtemps sur les ballons, a ri de toutes les biographies qui s’obstinaient à le faire escalader, l’épée à la main, le ballon de l’École militaire, et a cité comme un véritable prodige la singularité du ballon lancé le jour de son sacre, qui alla tomber en peu d’heures dans les environs de Rome, et porter aux habitants de cette grande ville des nouvelles de leur souverain et de la cérémonie qu’il venait d’accomplir.

Il a essayé de nous lire du Don Quichotte, mais s’est arrêté au bout d’une demi-heure : il ne peut désormais lire guère plus longtemps. Sa santé s’altère visiblement. Il me répète souvent que nous sommes bien vieux, qu’il l’est encore bien plus que moi ; et ces mots pour lui disent beaucoup.


Déclaration exigée envoyée au gouverneur – Beaucoup de livres modernes, pures spéculations – Fausseté des portraits créés par l’esprit de parti, etc. – Général Maison.


Lundi 14.

Aujourd’hui le grand maréchal a envoyé au gouverneur les nouvelles déclarations qu’on avait exigées de nous ; nous les avons rédigées uniformément et de la teneur suivante :

« Je, soussigné, déclare par la présente que mon désir est de rester