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reste, toutes ces choses et une foule d’autres aperçus aussi neufs que piquants dans les chapitres du grand maréchal.

De là l’Empereur est revenu à son expédition de Syrie, et a posé, comme principal but de l’expédition d’Égypte, l’ébranlement de la puissance anglaise dans les quatre parties du monde, en amenant une révolution capable de changer toute la face de l’Orient, et de donner de nouvelles destinées aux Indes. L’Égypte, disait-il, devait nous tenir lieu de Saint-Domingue et de nos colonies d’Amérique, concilier la liberté des noirs avec la prospérité de notre commerce, etc. Cette nouvelle colonie eût ruiné les Anglais en Amérique, dans la Méditerranée et jusque sur les bords du Gange, etc.

Puis, répondant au reproche qu’on lui avait fait d’avoir déserté son armée, il disait : « Je n’avais fait qu’obéir au cri de la France qui me rappelait pour la sauver, et j’en avais le droit : j’avais reçu du Directoire carte blanche pour toutes mes opérations dans le bassin de la Méditerranée, en Afrique et en Asie ; j’avais des pouvoirs en règle pour traiter avec les Russes, les Turcs, les Barbaresques et les princes de l’Inde. Je pouvais à mon gré me nommer un successeur, ramener l’armée ou revenir de ma personne si je le jugeais à propos. »

Et revenant au sol égyptien, il trouvait que tout ce qu’il avait vu en Égypte, et principalement tous ces fameux débris tant vantés, ne sauraient néanmoins supporter la comparaison ni donner l’idée de Paris et des Tuileries. La seule différence de l’Égypte à nous était, à son avis, que l’Égypte, grâce à la pureté de son ciel et à la nature de ses matériaux, laissait subsister des ruines éternelles, tandis que notre température européenne n’en admettait point chez nous, où tout se trouvait rongé et disparaissait en peu de temps. Des milliers d’années, disait-il laissaient des vestiges sur les bords du Nil ; on n’en trouverait pas après cinquante ans sur les bords de la Seine. Il regrettait fort, du reste, de n’avoir pas fait construire un temple égyptien à Paris ; c’était un monument, disait-il, dont il voudrait avoir enrichi la capitale, etc., etc.


Ressources dans l’émigration ; anecdotes, etc. – Communications officielles – Nouvelles offenses.


Vendredi 4.

Vers midi, je suis entré chez l’Empereur, qui a pris une très bonne leçon d’anglais dans Télémaque : il s’est résolu à reprendre ma méthode ; il l’apprécie, et en éprouve, dit-il, tout le bénéfice. Il me trouvait, observait-il, de grandes dispositions à être un fort bon maître d’école, et je répondais que c’était le fruit de mon expérience. Il m’a fait entrer alors dans beaucoup de détails sur le temps où je donnais des leçons à Lon-