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du Bellérophon, il ait dit au capitaine Maitland (page 72 de sa Relation) qu’il venait se mettre sous la protection des lois d’Angleterre ? Est-il vrai ou non, dirons-nous, qu’au mépris d’expressions si positives, si réitérées et si connues du capitaine Maitland, ce capitaine, dans son rapport officiel (page 59), les ait traduites en celles que « Napoléon est venu remettre sa personne à la générosité du prince régent ? »

8° Est-il vrai ou non que, lorsque les généraux Lallemand et Gourgaud demandèrent au capitaine Maitland une espèce de reconnaissance ou d’attestation qui prouverait leur venue volontaire et confiante à bord du Bellérophon, ce qu’il crut être dans l’obligation de leur accorder, le comte de Las Cases lui ait proposé en même temps, pour leur propre garantie mutuelle, d’arrêter une espèce de procès-verbal ou, protocole de ce qui s’était passé entre eux ? qu’il l’ait rédigé avec une telle impartialité, qu’après l’avoir lu, le capitaine Maitland ait dit qu’il le signerait ; que cet écrit soit demeuré longtemps en cet état sur son bureau, et que, pressé d’en finir, le capitaine ait déclaré franchement qu’il s’y refusait, d’après l’observation faite par quelqu’un survenu depuis (l’amiral Cokburn) ? Apparemment qu’une telle pièce pourrait créer des embarras au gouvernement.

Mais en voilà déjà assez sans doute pour pouvoir prononcer en connaissance de cause.

À présent, que les apologistes du gouvernement anglais ou ses agents se torturent en tous sens, qu’ils entassent les arguments, dénaturent les faits, créent des circonstances, inventent des conversations et des incidents ; qu’ils s’appuient victorieusement sur une erreur de date, vraie ou fausse, qui ne saurait être d’aucun poids, parce qu’elle demeure sans intérêt[1] ; qu’ils se forgent un terrain pour y combattre avec plus d’avantage, par exemple qu’ils reprochent au comte de Las Cases d’avoir avancé qu’on avait fait des conditions avec lui (ce dont ni lui ni la protestation de Napoléon ne disent pas un mot), le tout afin d’être forts à

  1. Sir Walter Scott et le capitaine Maitland assurent que la lettre de Napoléon au prince régent se trouve datée du 13 juillet, veille même du jour où le comte de Las Cases vint à bord du Bellérophon ; et ils en déduisent la preuve évidente que la détermination de Napoléon de se rendre en Angleterre était déjà arrêtée avant la mission du comte de Las Cases. À cela le comte de Las Cases confesse qu’une pareille date lui deviendrait tout à fait inexplicable, et qu’il ne pourrait l’attribuer qu’à une pure inadvertance ; car il adjure toutes les personnes qui furent présentes à cette circonstance, lesquelles toutes vivent encore : le duc de Rovigo, les généraux Bertrand, Lallemand, Becker, Montholon, Gourgaud, le colonel Planat et sans doute d’autres encore ; il les adjure de déclarer si ce ne fut pas aussitôt après son retour que fut tenu l’espèce de conseil où l’Empereur arrêta son départ, et si ce ne fut pas aussitôt après cette décision que Napoléon écrivit de sa main la minute de sa lettre au prince régent, retranscrite à l’instant même officiellement par le comte Bertrand, au milieu de tous, si bien que plusieurs en prirent des copies. Cette minute existe encore dans les mains du général Gourgaud ; elle ne porte point de date, et les diverses autres copies n’en portaient pas non plus.