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et extraordinaire chez lui. Il est arrivé, dans ces circonstances, qu’on l’a réveillé peut-être jusqu’à dix fois dans la même nuit, et on le trouvait toujours rendormi, parce qu’il n’avait pas encore satisfait tout son besoin de sommeil. Se vantant un jour de cette facilité de sommeil, et du peu qu’il lui en fallait, à un de ses ministres (le général Clarke), celui-ci lui répondit plaisamment : « C’est bien ce qui nous désole, Sire ; car c’est souvent à nos dépens ; il nous en descend parfois quelque chose. »

L’Empereur faisait tout par lui-même, et presque tout par la voie de son cabinet. Il nommait à toutes les places, substituant la plupart du temps de nouveaux noms à ceux dont ses ministres lui adressaient la proposition. Il lisait leurs projets, les adoptait, les rayait ou les modifiait. Il faisait jusqu’aux notes mêmes de son ministre des relations extérieures, qu’il dictait à son secrétaire Méneval, pour lequel il n’avait nul secret. C’était encore par l’intermédiaire de celui-ci qu’il écrivait aux souverains, observant avec eux un formulaire qu’il lui avait fait rédiger sur les protocoles du passé, et à la rigueur duquel il attachait beaucoup d’importance. Les ministres travaillaient tous en commun avec l’Empereur un jour fixe de la semaine, à moins de cas particuliers ou accidentels dans les affaires ou dans un des ministères. Le travail de chacun se faisait en présence de tous les autres, qui pouvaient y prendre part. Chacun vidait de la sorte son portefeuille. Un registre consacrait les délibérations ; il doit en exister un grand nombre de volumes. Les objets arrêtés demeuraient pour la signature, qui se faisait par l’intermédiaire du ministre secrétaire d’État, qui la certifiait. Parfois quelques-uns de ces objets, bien qu’arrêtés, passaient au cabinet avant la signature, pour y être revus et modifiés. Le ministre des relations extérieures était le seul qui, prenant part au travail général des autres ministres, avait en outre, par la nature secrète de ses fonctions, un travail particulier avec l’Empereur. L’Empereur confiait le travail du personnel de la guerre à un de ses aides-de-camp de prédilection. Duroc a joui longtemps de cette confiance, puis Bertrand et Lauriston ; le comte de Lobau a été le dernier.

M. Méneval, d’une santé très faible, et usé par le travail, eut besoin de repos. L’Empereur le plaça alors auprès de Marie-Louise. C’était un canonicat, disait-il, une vraie sinécure ; mais il ne s’en sépara néanmoins que sous la condition de revenir à lui dès qu’il serait rétabli ; ce qu’il ne manquait pas de lui rappeler toutes les fois qu’il le voyait.

Avec Méneval finit l’unité de travail dans le cabinet ; il eut plusieurs