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toute la garnison sur les remparts criait vive l’Empereur ! on se donnait les mains par les guichets, mais on n’ouvrait pas, parce que les supérieurs l’avaient défendu. Il fallut que l’Empereur fît enfoncer les portes, ce qui s’exécuta sous la bouche de dix pièces d’artillerie des remparts chargées à mitraille. Et pour achever la bizarrerie des circonstances, le chef du premier bataillon et le colonel, qui s’étaient si ouvertement opposés à l’Empereur, questionnés par lui s’il pouvait compter sur eux, répondirent que oui, que leurs soldats les avaient abandonnés, mais qu’eux n’abandonneraient pas leurs soldats, que puisqu’ils s’étaient prononcés pour lui, ils lui seraient fidèles, et l’Empereur les conserva.

Du reste, il n’est point de bataille où l’Empereur ait couru plus de dangers qu’en entrant dans Grenoble : les soldats se ruèrent sur lui avec tous les gestes de la fureur et de la rage ; on frémit un instant, on eût pu croire qu’il allait être mis en pièces ; ce n’était que le délire de l’amour et de la joie ; il fût enlevé lui et son cheval. À peine commençait-il à respirer dans l’auberge où il avait été déposé, qu’un redoublement de