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incultes. À onze ou douze cents toises, sur un mamelon, on a établi un camp ; on vient d’en placer un autre à peu près à la même distance, dans une direction opposée ; de sorte qu’au milieu de la chaleur du tropique, de quelque côté qu’on regarde, on ne voit que des camps. L’amiral Malcolm ayant compris l’utilité dont, dans cette position, une tente serait pour l’Empereur, en a fait établir une par ses matelots à vingt pas de la maison : c’est le seul endroit où l’on puisse trouver de l’ombre. Toutefois l’Empereur n’a lieu que d’être satisfait de l’esprit qui anime les officiers et soldats du brave 53e, comme il l’avait été de l’équipage du Northumberland. La maison de Longwood a été construite pour servir de grange à la ferme de la compagnie ; depuis, le sous-gouverneur de l’île y a fait établir quelques chambres : elle lui servait de maison de campagne, mais elle n’était en rien convenable pour une habitation. Depuis un an qu’on y est, on y a toujours travaillé, et l’Empereur a constamment eu l’incommodité et l’insalubrité d’habiter une maison en construction. La chambre dans laquelle il couche est trop petite pour contenir un lit d’une dimension ordinaire ; mais toute bâtisse à Longwood prolongerait l’incommodité des ouvriers. Cependant dans cette misérable île il existe de belles positions offrant de beaux arbres, des jardins et d’assez belles maisons, entre autres Plantation-House ; mais des instructions positives du ministère vous interdisent de donner cette maison, ce qui eût épargné beaucoup de dépenses employées à bâtir à Longwood des cahutes couvertes de papier goudronné, et qui déjà sont hors de service. Vous avez interdit toutes correspondances entre nous et les habitants de l’île ; vous avez mis de fait la maison de Longwood au secret ; vous avez même entravé les communications avec les officiers de la garnison. On semble s’être étudié à nous priver du peu de ressources qu’offre ce misérable pays, et nous y sommes comme nous serions sur le rocher de l’Ascension. Depuis quatre mois que vous êtes à Sainte-Hélène, vous avez, Monsieur, empiré la position de l’Empereur. Le comte Bertrand vous a fait observer que vous violiez même la loi de votre législature, que vous fouliez aux pieds les droits des officiers généraux prisonniers de guerre ; vous avez répondu que vous ne connaissiez que la lettre de vos instructions, qu’elles étaient pires encore que nous paraissait votre conduite. »

« J’ai l’honneur, etc., etc.

« Signé, le comte de Montholon.