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Le 27, l’Empereur a reçu un moment un colonel, parent des Walsh-Serrant, venant du Cap sur le Haycomb, et repartant le lendemain pour l’Europe. Il avait été gouverneur de Bourbon, dont il nous a fort entretenu, et sous des rapports agréables.

Après le dîner, la conversation a été sur l’ancienne et la nouvelle cour, leurs arrangements, leurs dépenses, leur étiquette, etc., etc. Je supprime ici ce qui ne serait que pure répétition.

La cour de l’Empereur était bien plus magnifique, sous tous les rapports, que tout ce qu’on avait vu jusque-là, et cependant, disait-il, elle coûtait infiniment moins. La suppression des abus, l’ordre et la régularité dans les comptes, faisaient cette grande différence. Sa chasse, à quelques particularités près, inutiles ou ridicules, comme celles du faucon et autres, était aussi splendide, aussi nombreuse, aussi bruyante que celle de Louis XVI, et elle ne lui coûtait annuellement, assurait-il, que quatre cent mille francs, tandis qu’elle revenait au roi à sept millions. Il en était de même de la table. L’ordre et la sévérité de Duroc, disait l’Empereur, avaient accompli des prodiges sur ce point. Sous les rois, les palais ne demeuraient point meublés ; on transportait les mêmes meubles d’un palais à l’autre. On n’en fournissait point aux gens de la cour : c’était à chacun à s’en pourvoir. Sous lui, au contraire, il n’y avait personne en service qui ne se trouvât, dans la chambre qui lui était assignée, aussi bien et mieux que chez lui, pour tout ce qui était nécessaire ou convenable.

L’écurie de l’Empereur lui coûtait trois millions ; les chevaux revenaient, en somme, à trois mille francs l’un dans l’autre par an. Un page coûtait de six à huit mille francs. Cette dernière dépense, observait-il, était la plus forte peut-être du palais : aussi pouvait-on vanter l’éducation qu’on leur donnait, les soins qu’on en prenait. Toutes les premières familles de l’empire sollicitaient d’y placer leurs enfants ; et elles avaient raison, disait l’Empereur.

Quant à l’étiquette, l’Empereur disait qu’il était le premier qui eût séparé le service d’honneur (expression imaginée sous lui) du service des besoins. Il avait mis de côté tout ce qui était sale et réel, pour y substituer ce qui n’était que nominal et de pure décoration. « Un roi, disait-il, n’est pas dans la nature, il n’est que dans la civilisation ; il n’en est point de nu, il n’en saurait être que d’habillé, etc. »

L’Empereur disait qu’on ne saurait être plus sûr que lui de la nature et de la comparaison de tous ces objets, parce qu’ils avaient été tous arrêtés par lui, et sur les procès-verbaux des temps passés,