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Je ne manquai pas de m’informer avec chacun de tous les objets et de tous les détails de sa partie. Je ne craignis pas de me montrer novice aux premiers, afin de pouvoir discuter avec les derniers en connaissance de cause.

« Ma mission spéciale, Sire, n’avait eu, il est vrai, d’autre objet que les dépôts de mendicité et les maisons de correction ; mais, sentant tout le besoin d’acquérir des données propres à me rendre utile au Conseil d’État, et profitant des avantages de ma situation, j’y adjoignis de mon chef d’inspecter minutieusement les prisons, les hôpitaux, les bureaux et établissements de bienfaisance, etc., comme aussi de parcourir tous nos ports et de visiter toutes nos escadres.

« Quel magnifique ensemble me présenta le tableau que cette heureuse circonstance déroulait à mes yeux ! Partout la tranquillité la plus parfaite et une confiance entière dans le gouvernement ; tous les bras, toutes les facultés, toutes les industries en mouvement ; le sol resplendissant d’agriculture, c’était le plus beau moment de l’année ; les routes admirables ; des travaux publics presque partout ; le canal d’Arles, le beau pont de Bordeaux, les travaux de Rochefort, les canaux de Nantes à Brest, à Rennes, à Saint-Malo ; la fondation de Napoléon-Ville, calculée pour être la clef de toute la péninsule bretonne ; les magnifiques travaux de Cherbourg, ceux d’Anvers ; des écluses, des jetées ou autres améliorations dans la plupart des villes de la Manche ; voilà l’esquisse de ce que je rencontrai.

« D’un autre côté, les ports de Toulon, Rochefort, Lorient, Brest Saint-Malo, le Havre, Anvers, présentaient une activité extraordinaire ; nos rades se couvraient de vaisseaux dont le nombre s’accroissait chaque jour ; nos équipages se formaient en dépit de tout obstacle ; de nos jeunes conscrits on obtenait désormais de bons matelots. J’étais émerveillé, moi, de l’ancienne marine, de tout ce que je voyais à bord de chaque vaisseau, tant étaient grands les progrès que l’art avait faits, et tant ils laissaient en arrière, sous tous les rapports et en toutes choses, ce que j’avais connu.

Dans chaque rade, chaque escadre avait journellement son appareillage et ses exercices réguliers, comme les garnisons ont leur parade ; et le tout se passait à la vue et sous le canon des Anglais, qui s’en moquaient sans prévoir le péril qui les menaçait ; car jamais, à aucune époque, notre marine n’avait été plus formidable ni nos vaisseaux plus nombreux ; nous en comptions déjà à flot ou en construction au-delà de cent, et nous les augmentions journellement. Les offi-