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Le secret du législateur doit être de savoir tirer parti même des travers de ceux qu’il prétend régir. Et, après tout ici, tous ces colifichets présentaient peu d’inconvénients et n’étaient pas sans quelques avantages. Au point de civilisation où nous demeurons aujourd’hui, ils sont propres à appeler les respects de la multitude, tout en commandant aussi le respect de soi-même ; ils peuvent satisfaire la vanité du faible, sans effaroucher nullement les têtes fortes, etc. » Il était fort tard, et l’Empereur en me congédiant a dit : « Allons, mon cher, voilà encore une bonne soirée. »


Le feu prend à notre établissement – Étiquette de Longwood.


Vendredi 19.

Le feu a pris, dans la nuit, à la cheminée du salon ; il n’a éclaté qu’au jour. Deux heures plus tôt, l’établissement était consumé.

L’Empereur s’est promené, nous étions plusieurs autour de lui ; nous avons fait à pied le tour du parc.

Dans la route, la boucle de son soulier est venue à s’échapper, nous nous sommes précipités pour la remettre, le plus prompt a été le plus heureux. L’Empereur s’y est prêté avec une espèce de satisfaction ; il laissait faire et nous lui savions gré de ne pas nous priver d’un acte qui nous honorait à nos propres yeux.

Ceci me conduit à faire observer que je n’ai point encore parlé de nos manières habituelles auprès de sa personne, et je dois le faire, d’autant plus que nombre de journaux anglais nous sont arrivés pleins de contes absurdes à ce sujet, qu’ils répandent en Europe, en affirmant que l’étiquette impériale était aussi rigoureusement observée à Longwood qu’aux Tuileries.

L’Empereur était constamment pour nous le meilleur et le plus paternellement familier des hommes. Pour nous, nous demeurions, vis-à-vis de lui, les plus attentifs, les plus respectueux des courtisans ; nous cherchions en tout temps à deviner ses désirs ; nous épiions tous ses besoins ; à peine avait-il commencé un geste, que nous étions déjà en mouvement.

Aucun de nous n’arrivait dans sa chambre sans avoir été appelé, et si l’on avait quelque chose d’important à lui communiquer, on faisait demander à être reçu. S’il se promenait avec un de nous tête à tête, nul autre ne venait le joindre sans être appelé. Dans le principe, nous demeurions constamment chapeau bas auprès de sa personne, ce qui semblait étrange aux Anglais, qui avaient reçu l’ordre supérieur de se couvrir après l’avoir abordé. Ce contraste parut si ridicule à l’Empereur qu’il nous com-