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du temps tellement singulière, tellement bizarre, que le public l’en appelait le roi Franconi. L’empereur en a beaucoup ri, confessant qu’il était vrai que certains costumes et certaines manières lui donnaient en effet parfois l’apparence d’un opérateur, l’air d’un charlatan. En revenant à la toilette, on ajoutait que Bernadotte y mettait aussi un soin infini, et Lannes beaucoup de temps. L’Empereur s’est montré fort surpris de ce qu’on lui apprenait des deux derniers. Cela l’a conduit naturellement bientôt à répéter ses vifs regrets sur la perte du maréchal Lannes, qu’il a terminés en disant : « Ce pauvre Lannes, dans son agonie, à chaque instant, me demandait ; il se cramponnait à moi, disait Napoléon, de tout le reste de sa vie ; il ne voulait que moi, ne pensait qu’à moi. Espèce d’instinct ! Assurément il aimait mieux sa femme et ses enfants que moi ; il n’en parlait pourtant pas : c’est qu’il n’en attendait rien ; c’était lui qui les protégeait, tandis qu’au contraire moi j’étais son protecteur ; j’étais pour lui quelque chose de vague, de supérieur ; j’étais sa providence, il m’implorait !… »

Quelqu’un observa alors que le bruit des salons avait été bien différent ; qu’on y avait répandu que Lannes était mort en furieux, maudissant l’Empereur, contre lequel il se montrait enragé, et on ajoutait qu’il avait toujours eu de l’éloignement pour lui, et le lui avait souvent