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a souri à cette anecdote, sans exprimer autrement si elle était vraie ou non. On verra plus loin qu’elle était fausse.


Nouveaux torts du gouverneur – Ses absurdités.


Samedi 6 au lundi 8.

Il y a longtemps que je n’ai parlé du gouverneur. Nous cherchions à l’éloigner le plus possible de notre pensée ; nous ne l’apercevions presque plus. Ses mauvaises manières, ses vexations me forcent d’y revenir aujourd’hui : elles semblent prendre une nouvelle activité. Il vient de nous garder des lettres d’Europe, bien qu’elles fussent venues ouvertes et de la manière la plus ostensible ; mais seulement parce qu’elles n’avaient point passé par les mains du secrétaire d’État, sans faire attention qu’un manque de formalité peut se réparer facilement en Angleterre, mais qu’il demeure sans remède pour nous à deux mille lieues de distance. Si encore, en exécutant aussi rigoureusement la lettre de ses instructions, il avait l’humanité de nous laisser savoir qu’il a reçu ces lettres et de qui elles sont, il nous tranquilliserait sur des personnes dont nous pleurions la négligence ou la santé ; mais il a la barbarie de nous en faire un mystère. Il y a peu de jours que la comtesse Bertrand ayant écrit à la ville, il a fait saisir le billet et le lui a renvoyé comme ayant été écrit sans son aveu. Il a accompagné cette injure d’une lettre officielle par laquelle il nous interdit dès à présent toute communication par écrit ou même verbale avec les habitants sans avoir été soumise à son visa ; et, chose absurde et peu croyable c’est qu’il nous a fait cette interdiction vis-à-vis de personnes qu’il nous laisse la liberté d’aller visiter à notre gré. Il a accompagné la publication du bill qui nous concerne de commentaires qui ont répandu la terreur parmi les habitants ; il se récrie sur l’excessive dépense de la table de l’Empereur ; il insiste sur de fortes diminutions. On n’avait point entendu que le général Bonaparte aurait autant de personnes autour de lui. Les ministres, nous dit-il ingénument, n’avaient point douté que la permission qu’il nous avait apportée de nous en aller ne nous eût décidés à quitter l’Empereur, etc. Toutes ces tracasseries ont amené un échange de notes assez vives. À un article du gouverneur, dans lequel il disait que si les restrictions qu’on nous impose nous semblaient trop dures, nous pourrions nous en affranchir en nous en allant, l’Empereur a dicté lui-même l’addition suivante à la réponse que nous avions déjà faite : « Qu’honorés par lui dans sa prospérité, nous placions notre plus douce jouissance à le ser-