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plus de directeurs ; nous voilà donc possesseurs du reste. Qu’en ferons-nous ? » Napoléon, qui avait prêté une grande attention, et commençait enfin à comprendre, lui répondit : « Si je le sais, la somme ira au trésor public ; mais si je l’ignore, et je ne le sais point encore, vous pouvez vous la partager, vous et Ducos, qui êtes tous deux anciens directeurs ; seulement, dépêchez-vous, car demain il serait peut-être trop tard. Les collègues ne se le firent pas dire deux fois, observait l’Empereur. Siéyes se chargea hâtivement de l’opération, et fit le partage, comme dans la fable, en lion. Il fit nombre de parts ; il en prit une comme plus ancien directeur, une autre comme ayant dû rester en charge plus longtemps que son collègue, une autre parce qu’il avait donné l’idée de cet heureux changement, etc., etc. ; bref, dit l’Empereur, il s’adjugea six cent mille francs, et n’en envoya que deux cent mille au pauvre Ducos, qui, revenu des premières émotions, voulait absolument réviser ce compte et lui chercher querelle. Tous les deux revenaient à chaque instant, à ce sujet, à leur troisième collègue pour qu’il les mît d’accord ; mais celui-ci répondait toujours : Arrangez-vous entre vous ; soyez surtout silencieux, car si le bruit remontait jusqu’à moi, il vous faudrait abandonner le tout.

« Lorsqu’il fallut se fixer sur une constitution, disait l’Empereur,