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que je me présentai à la barre des Anciens pour les remercier de la dictature dont ils m’investissaient.

On a discuté métaphysiquement, et l’on discutera longtemps encore si nous ne violâmes pas les lois, si nous ne fûmes pas criminels ; mais ce sont autant d’abstractions bonnes tout au plus pour les livres et les tribunes, et qui doivent disparaître devant l’impérieuse nécessité ; autant vaudrait accuser de dégât le marin qui coupe ses mâts pour ne pas sombrer. Le fait est que la patrie sans nous était perdue, et que nous la sauvâmes. Aussi les auteurs, les grands acteurs de ce mémorable coup d’État, au lieu de dénégations et de justifications, doivent-ils, à l’exemple de ce Romain, se contenter de répondre avec fierté à leurs accusateurs : Nous protestons que nous avons sauvé notre pays, venez avec nous en rendre grâces aux dieux.

Et, certes, tous ceux qui dans le temps faisaient partie du tourbillon politique ont eu d’autant moins de droits de se récrier avec justice, que tous convenaient qu’un changement était indispensable, que tous le voulaient ; et que chacun cherchait à l’opérer de son côté. Je fis le mien à l’aide des Modérés ; la fin subite de l’anarchie, le retour immédiat de l’ordre, de l’union, de la force, de la gloire, furent ses ré-