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« 2° Le tissu. Nous ne le faisions point encore ; il nous venait de l’étranger.

« 3° Enfin l’impression. C’était notre seul travail. Je voulus acquérir les deux premières branches ; je proposai au Conseil d’État d’en prohiber l’importation ; on y pâlit. Je fis venir Oberkampf ; je causai longtemps avec lui ; j’en obtins que cela occasionnerait une secousse sans doute ; mais qu’au bout d’un an ou deux de constance, ce serait une conquête dont nous recueillerions d’immenses avantages. Alors je lançai mon décret en dépit de tous : ce fut un vrai coup d’État.

« Je me contentai d’abord de prohiber le tissu ; j’arrivai enfin au coton filé, et nous possédons aujourd’hui les trois branches, à l’avantage immense de notre population, au détriment et à la douleur insigne des Anglais : ce qui prouve qu’en administration comme à la guerre, pour réussir il faut souvent mettre du caractère. Si j’avais pu réussir à faire filer le lin comme le coton (et j’avais offert un million pour prix de l’invention, que j’aurais obtenue indubitablement sans nos malheureuses circonstances[1], j’en serais venu à prohiber le coton, si je n’eusse pu le naturaliser sur le continent.

« Je ne m’occupais pas moins d’encourager les soies. Comme Empereur et Roi d’Italie, je comptais cent vingt millions de rente en récolte de soie.

« Le système des licences était vicieux sans doute : Dieu me garde de l’avoir posé comme principe ! Il était de l’invention des Anglais ; pour moi, ce n’était qu’une ressource du moment. Le système continental lui-même, dans son étendue et sa rigueur, n’était, dans mes opinions, qu’une mesure de guerre et de circonstance.

« La souffrance et l’anéantissement du commerce extérieur, sous mon règne, étaient dans la force des choses, dans les accidents du temps. Un moment de paix l’eût ramené aussitôt à son niveau naturel. »


Artillerie – Son usage – Ses vices – Anciennes écoles.


Lundi 24.

L’Empereur avait passé les vingt-quatre heures entières, disait-il, dans ses Moniteurs sur la Constituante. Il s’en était amusé comme d’un roman. Il y voyait, remarquait-il, poindre les hommes qui ont plus tard joué un si grand rôle. Toutefois il avouait qu’il était néces-

  1. En effet, le lin se file aujourd’hui comme le coton.