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nufactures les a fait avancer à pas de géant. J’ai imprimé un élan qui sera partagé de toute l’Europe.

« Le commerce extérieur, infiniment au-dessous dans ses résultats aux deux autres, leur a été aussi constamment subordonné dans ma pensée. Celui-ci est fait pour les deux autres ; les deux autres ne sont pas faits pour lui. Les intérêts de ces trois bases essentielles sont divergents, souvent opposés. Je les ai constamment servis dans leur rang naturel, mais n’ai jamais pu ni dû les satisfaire à la fois. Le temps fera connaître ce qu’ils me doivent tous, les ressources nationales que je leur ai créées, l’affranchissement des Anglais que j’avais ménagé. Nous avons à présent le secret du traité de commerce de 1783. La France crie encore contre son auteur ; mais les Anglais l’avaient exigé sous peine de recommencer la guerre. Ils voulurent m’en faire autant après le traité d’Amiens ; mais j’étais puissant et haut de cent coudées. Je répondis qu’ils seraient maîtres des hauteurs de Montmartre, que je m’y refuserais encore ; et ces paroles remplirent l’Europe.

« Ils en imposeront un aujourd’hui, à moins que la clameur publique, toute la masse de la nation, ne les forcent à reculer ; et ce servage en effet serait une infamie de plus aux yeux de cette même nation, qui commence à posséder aujourd’hui de vraies lumières sur ses intérêts.

« Quand je pris le gouvernement, les Américains, qui venaient chez nous à l’aide de leur neutralité, nous apportaient les matières brutes, et avaient l’impertinence de repartir à vide pour aller se remplir à Londres des manufactures anglaises. Ils avaient la seconde impertinence de nous faire leurs paiements, s’ils en avaient à faire, sur Londres, de là les grands profits des manufacturiers et des commissionnaires anglais, entièrement à notre détriment. J’exigeai qu’aucun Américain ne pût importer aucune valeur, sans exporter aussitôt son exact équivalent ; on jeta les hauts cris parmi nous, j’avais tout perdu, disait-on. Qu’arriva-t-il néanmoins ? C’est que mes ports fermés, en dépit même des Anglais qui donnaient la loi sur les mers, les Américains revinrent se soumettre à mes ordonnances. Que n’eussé-je donc pas obtenu dans une meilleure situation !

« C’est ainsi que j’avais naturalisé au milieu de nous les manufactures de coton, qui comportent :

« 1° Du coton filé. Nous ne le filions pas ; les Anglais le fournissaient même comme une espèce de faveur.