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périale eussent été contraints d’en faire partie deux ans, quelle qu’eût été d’ailleurs leur destination ultérieure. Votre Majesté eût porté tous les grands de l’empire à en faire autant de quelques-uns de leurs enfants. Je ne doutais pas que ces circonstances réunies et le spectacle offert à la capitale n’eussent été des moyens infaillibles de rendre la marine tout à fait populaire et nationale en France. – Eh bien ! je n’ai pas eu connaissance de cela, disait l’Empereur, sous la pensée duquel tout se magnifiait immédiatement. Cette idée m’eût plu, je l’eusse fait examiner ; elle pouvait avoir en effet d’immenses résultats. De là il n’y avait plus qu’un pas à vouloir rendre la Seine navigable ou à tirer un canal de Paris à la mer ; et qu’est-ce que cela eût eu de trop gigantesque ? Les Romains autrefois et les Chinois aujourd’hui ont fait davantage ; ce n’eût été qu’un jeu pour l’armée en temps de paix. J’ai eu bien des projets de la sorte ; mais nos ennemis m’ont enchaîné à la guerre. De quelle gloire ils m’ont privé !… Allons, continuez. – Sire, je dois encore avoir fait mettre sous vos yeux des idées sur le complément des écoles de marine. – Les ai-je adoptées dans les écoles que j’ai formées ? disait l’Empereur ; étiez-vous dans mon sens ? – Sire, vos écoles étaient arrêtées, je n’en proposais que le complément. – À présent, je crois me rappeler un peu ; n’y avait-il pas quelque chose de trop démocratique ? – Non, Sire, je partais du principe que Votre Majesté avait pourvu au concours exclusif de la classe intermédiaire, et je proposais d’y adjoindre au-dessous toutes les chances que pouvait présenter le concours des matelots, et de placer au-dessus celles que pouvait présenter le concours des grands de votre cour. – Oui, je me rappelle, disait l’Empereur, qu’il y avait des idées neuves et singulières qui attirèrent mon attention. J’envoyai encore le tout au ministre, qui l’a gardé pour lui ou l’a tourné en ridicule. Il me revient encore que, dans votre mission en Hollande, dont je me faisais présenter la correspondance, je trouvai l’idée de faire déboucher nos flottilles, de la mer d’Allemagne dans la mer Baltique, à l’aide des canaux qui unissent l’Elbe, l’Oder et la Vistule. Cette idée me frappa, elle était dans mon genre. Aussi, à votre retour, en vous revoyant au lever, je dois vous avoir mis sur la voie ; mais vous ne comprîtes pas mes questions, ou vos réponses furent insignifiantes, non positives. J’en conclus que vous aviez eu peut-être un faiseur, et je passai à votre voisin. Il en était ainsi avec moi ; mais, je le répète, je n’avais pas le temps de faire autrement.

« Quand je me rappelle à présent tout cela, j’y trouve pour vous tant