Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/757

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lieu des félicitations nombreuses que je recevais. Je tâchais de m’en tirer le moins gauchement possible ; mais plus je faisais d’efforts dans ce sens, plus on l’attribuait à ma modestie. Je n’avais demandé qu’une chose à Votre Majesté, maître des requêtes : elle me l’accorda aussitôt. Clarke, à ce sujet, me reprochait de m’être abaissé. Il fallait demander, me disait-il, à être conseiller d’État ; vous l’eussiez été tout de même. – Non, répondait l’Empereur, je ne vous connaissais pas assez, j’eusse pris cela pour une ambition absurde. – Sire, disais-je, j’avais eu le tact de juger votre opinion. – Eh bien ! avec cela, continuait l’Empereur, c’est bizarre sans doute, mais Clarke a peut-être eu raison ; la demande de simple maître des requêtes a pu vous rabaisser dans ma pensée, c’est-à-dire vous maintenir sur la ligne où je vous avais fixé ; j’étais bien aise de voir mes chambellans faire quelque chose, mais maître des requêtes était bien peu. Cependant c’est singulier, continuait-il, comme la mémoire revient, à présent que je m’y arrête. Vous aviez des choses isolées qui m’ont passé rapidement sans qu’on me les rappelât ; si elles eussent été réunies et bien présentées, elles eussent dû me donner de vous une tout autre idée. Vous fûtes faire la campagne de Flessingue comme volontaire. Je le sus, et ce qui n’eût été rien dans tout autre, me frappa dans un émigré qui quittait son ménage et n’était pas sans fortune. – Sire, j’en reçus la plus douce récompense au retour, Votre Majesté m’en parla. – Vous voyez bien, me dit-il ; mais vous avez laissé noyer cela dans le fleuve d’oubli. Vous m’avez écrit plusieurs fois ; tout cela me revient à présent peu à peu. Vous m’avez présenté des combinaisons sur la mer Adriatique qui m’ont séduit ; il s’agissait de maîtriser cette mer, et d’y fonder une flotte à bas prix, à l’aide des immenses forêts de la Croatie. J’envoyai le tout au ministre, qui ne m’en a jamais parlé. Vous m’avez encore envoyé d’autres choses ? – Sire, peut-être des idées sur le système de guerre maritime à adopter contre l’Angleterre, accompagnées d’une carte géographique à l’appui. – Oui ; je m’en souviens, et la carte a demeuré plusieurs jours sur mon bureau dans mon cabinet ; je vous ai même fait demander, mais vous étiez en mission. – Sire, à peu près dans le même temps, j’eus l’honneur de vous adresser un projet pour transformer le Champ de Mars en une naumachie qui eût servi d’ornement au palais du roi de Rome. Je le creusais assez pour recevoir de petites corvettes qui eussent été construites, équipées, montées, manœuvrées par l’école de marine, que j’établissais à l’École Militaire. Tous les princes de la maison im-