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tait, disait gaiement l’Empereur, un vrai déshéritage ; la scène de Jacob et d’Ésaü. »

Élevé moi-même à l’École militaire de Paris, mais un an plus tôt que Napoléon, j’ai pu en causer dans la suite, à mon retour de l’émigration, avec les maîtres qui nous avaient été communs.

M. de l’Eguille, notre maître d’histoire, se vantait que si l’on voulait aller rechercher dans les archives de l’école militaire, on y trouverait qu’il avait prédit une grande carrière à son élève, en exaltant dans ses notes la profondeur de ses réflexions et la sagacité de son jugement. Il me disait que le Premier Consul le faisait venir souvent à déjeuner à la Malmaison, et lui parlait toujours de ses anciennes leçons : « Celle qui m’a laissé le plus d’impressions, lui disait-il une fois, était la révolte du connétable de Bourbon, bien que vous ne nous la présentassiez pas avec toute la justesse possible ; à vous entendre, son grand crime était d’avoir combattu son roi ; ce qui en était assurément un bien léger dans ces temps de seigneuries et de souverainetés partagées, vu surtout la scandaleuse injustice dont il avait été victime. Son unique, son grand, son véritable crime, sur lequel vous n’insistiez pas assez, c’était d’être venu avec les étrangers attaquer son sol natal. »